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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/250

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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

vifs, étaient garrottés aux piliers de ma cour, ils m’apprirent bientôt tout les détails de cette horrible vengeance. Mon argent, ma vaisselle, mes bestiaux avaient péri. Je fus me jeter aux pieds de l’évêque Don Fernando del Portillo mon parent, qui me rit au nez en me demandant pourquoi je m’étais rebellé contre la force publique. Mon exemple, continua-t-il, était devenu si vite contagieux que ces représailles étaient toutes simples. Pour lui, dégagé de toute administration terrestre, il me conseillait la patience et le mépris des biens qui m’avaient valu ce rude assaut.

« La stupidité et l’indifférence de mon parent m’irritèrent au dernier point. Don Fernando était loin d’avoir oublié les torts de ma jeunesse, je le savais ; il me considérait comme un aventurier, un homme qui était venu s’abattre dans l’île. Mais en dépit de lui-même, je devais obtenir justice ; n’avait-on pas indignement outragé en moi les colons et les marchands ? J’eus recours aux autorités, qui firent traîner mes poursuites en longueur ; à la fin, ne dominant plus mon ressentiment, abandonné de tous, ruiné, pensant que je ne vous verrais plus peut-être, je me résolus à essayer d’une vie nouvelle, à mettre encore plus bas sous mes pieds, par une sanglante ironie, cette noblesse qui ne me servait à rien. L’évêque Don Fernando, le ministre de Dieu invoqué par moi, ne m’écoutant pas, j’invoquai Satan, et sa voix me répondit… De toutes mes richesses, je n’avais conservé que les cinq nègres trouvés au milieu des décombres de mon incendie, les autres avaient profité du