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LE NUMÉRO 147.

il partage les jeux de M. Maurice, il a même l’audace de réussir comme si c’était un vrai créole ! Le maître d’escrime de M. le marquis me disait l’autre jour qu’il n’avait jamais vu un poignet si vigoureux ; il l’a jeté par terre deux ou trois fois.

— Sans compter, monsieur Printemps, que je lui ai inculqué, voyez-vous, de ces airs distingués auxquels on reconnaît le professeur, dit Platon en s’apercevant que le maître d’hôtel ne lui faisait pas assez d’honneur de Saint-Georges ; c’est le produit naturel de ma conversation, je le sais, mais je suis certain que cela a mis en tête au mulâtre une foule de billevesées. Je vous déclare toutefois, mon ami, que ce serait à mon corps défendant que je le ferais punir si la marquise me l’ordonnait… Je n’ai point voulu annoter ses beaux faits sur mon registre, parce que cet enfant est vraiment un être à part et que je le considère comme un ami de cœur qui a longtemps battu mes pantalons et mes casquettes… Du reste, pendant que vous me tournez mon infusion d’orangers, secourable monsieur Printemps, vous allez sans doute le voir venir, car je l’attends pour me faire la lecture… C’est le seul office qu’il ait conservé près de moi, son ancien maître !… Justement j’ai là un nouvel ouvrage qui m’arrive de France, l’Émile de M. Jean-Jacques Rousseau, que M. Lassis m’envoie avec ce magnifique habit prune-de-monsieur.

— L’habit est magnifique en effet, murmura le maître d’hôtel avec un regard de convoitise, les manchettes sont du meilleur goût. Mais le roman ?

— Ne voyez-vous pas que ce doit être un traité