avait déjà voyagé avec fruit avant sa mission à Saint-Domingue. Rien ne lui paraissait mieux prouver l’influence d’un gouvernement sur une population que les établissemens des Anglais dans l’Amérique. N’avaient-ils pas fixé depuis le Canada jusqu’au Mississipi des peuples agriculteurs, navigateurs, commerçans ? Au lieu de s’affaiblir pour former ces colonies, la métropole n’était-elle pas devenue chez eux plus hardie et plus puissante, tandis que sur la côte méridionale l’Espagne épuisait sans fruit les générations de l’Europe et de l’Inde ? Les colonies anglaises étaient riches, celles de l’Espagne se mouraient. Les hommes, le blé, l’industrie, croissaient abondamment dans les premières, l’ignorance, l’or et les soldats ne servaient qu’à augmenter la misère des autres. Les Anglais avaient fondé des villes, formé des provinces, établi des manufactures, des cours de justice, des écoles publiques, des courses de chevaux, des concerts, des jeux ; les Espagnols, après avoir créé des tribunaux de conscience, des églises, des garnisons et des forts, en étaient encore à demander aux entrailles du sol un métal dont l’abondance détruisait chez eux la valeur. En homme à qui le roi avait confié une partie de ses pouvoirs, M. de Rohan avait étudié ces points de comparaison. La Cayenne n’était certes pas une terre infertile ; mais l’iniquité s’y étant propagée une fois, la colonie n’avait pas réussi. La richesse ou la pauvreté de Saint-Domingue dépendait-elle de la fertilité de son sol où de la nature de son gouvernement ? Cette question avait trouvé M. de Rohan très-fixé. Les me-
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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.