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LA LIVRÉE.

vie, qui prenait plaisir à le rabaisser cruellement !

Il hésita en vérité s’il ne se jetterait pas aux genoux du prince de Rohan, comme sa mère avait fait ; mais il éprouvait une honte secrète d’implorer la merci de ce seigneur, lui qui avait déjà l’orgueil d’un blanc ! lui à qui sa mère avait dit souvent qu’il devait commander au lieu d’obéir !

« Pauvre jeune homme ! » murmura près de lui une douce voix, une voix qui eût mis du baume dans sa plaie, si le délire n’eût point alors secoué sa raison.

En prononçant ces mots, la figure de Finette avait pris l’expression de la plus angélique douceur ; elle tendit la main au mulâtre et le conduisit sous les cotonniers épais que le vent faisait alors plier sous leurs flocons.

C’était un asile de fraîcheur et de silence. Le voile de la nuit fuyait déjà replié sous le vent de cette mer des Antilles qu’argentaient les blancheurs matinales de l’aube. Saint-Georges pleurait, son courage s’était brisé.

— Laquais ! s’écria-t-il, laquais ! Lorsque je l’aimais, Finette, lorsque je me serais fait broyer, pour la voir, sous les pieds de son cheval ; laquais ! C’est elle qui le veut, qui l’ordonne, ne viens-tu pas de l’entendre ? Finette, Finette, tu ne peux savoir ce que je souffre !

En entendant cet aveu, la mulâtresse resta quelques secondes sans parole.

— Comment ! reprit-elle avec douleur en le fixant,