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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/360

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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

de la cuisse. Ils portaient le trabucco[1] et le poignard effilé. Véritable camp de bohèmes dans les savanes, ils avaient pour eux l’intrépidité et la ruse, d’excellentes armes, des chevaux sûrs. Au lieu d’une méchante case qu’ils eussent partagée dans les terres avec les bêtes à cornes, les gens de guerre hautains ou les citadins nonchalans, ils avaient la tente bleue du ciel, la verdure des plaines et la bouteille de grès où dormait le Xérès à leur ceinture. Leur bagage se composait d’une vieille malle contenant quelques reliques et des cartouches, de morceaux de drap pour le manteau ou l’habit futur, de cables et de longs cornets de poivre connu sous le nom de maniguette. Au défrichement des terres, qui alarmait leur paresse, ils préféraient la chasse des troupeaux par les campagnes endormies, le vol nocturne, le pillage dans les églises. Quelques-uns, — les noués et les boiteux, — avaient mission de sonder le terrain en se traînant devant le passant. Senor, una limosina ! por Maria santissima ; una limosina a este probecito ! Il y avait de tous les métiers chez eux, avons-nous dit, excepté celui d’honnête homme ; mais par la misère qui régnait dans la colonie espagnole, ces flibustiers nouveaux n’étaient-ils pas tous absous ?

Cette vie étrange convenait à Tio-Blas, à sa nature sombre, inquiète ; elle profita bientôt singulièrement au mulâtre. Ces hommes furent étonnés de sa grâce, de sa tournure ; ce fut à qui deviendrait son maître, à qui développerait son élégance et sa

  1. Tromblon.