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FÊTE À LA COLONIE.

avec envie, car les créoles seuls se disputeront la victoire dans cette lice, eux seuls ils soulèveront la poussière de cette carrière, eux seuls ils la tremperont de la sueur de leurs coursiers !

Pour les créoles seuls sont réunis dans ce vaste champ les différens jeux d’adresse auxquels ils s’adonnent, le tir au pistolet, la course de bague, l’escrime, le palet, la gymnastique.

Ce sont les dames qui doivent désigner le vainqueur. Comme dans les antiques tournois, tous les combattans seront masqués, afin que le prix décerné par elles ne soit donné qu’au plus digne.

La récompense est au choix du triomphant. Il peut choisir entre ces vases ciselés d’or, entre ces habits de velours, ces couronnes tressées, ces armes, ou bien il peut dicter en roi de cette fête telle condition qu’il voudra, il ne tiendra qu’à lui de commander et de se faire obéir.

Entre des bouquets de cocotiers et de palmistes que le soleil nuançait de teintes veloutées s’élevaient par myriades sur ce terrain des pavillons de toile blanche, tous ornés de flammes distinctes. Peu à peu les combattans masqués en sortirent… Au tam-tam aigu des cornets à bouquins que tenaient les noirs accroupis sur leurs talons devant ces tentes comme des Sphinx de pierre, succéda bientôt le son joyeux des trompettes et des cimbales de la garnison ; la lice s’ouvrit, la poussière s’éleva à flots pressés.

Quel admirable silence ! tout se tait à l’entour dans les champs de cannes, la brise de mer crépite seule par intervalles dans la feuille des tamarins.