Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/378

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

qui se mire dans l’azur des fleuves et dans la clarté du ciel ! Celles-là ont déjà peur, leur visage ému revêt tout d’un coup la blancheur du marbre, car un nouveau concurrent vient d’apparaître ; il s’est posé sur le sable, immobile et fier comme un lutteur assuré de vaincre.

Et je vous le jure, dès qu’il a paru ce masque, tous les regards se sont tournés vers lui par un mouvement unanime, simultané…

Robuste et gracieux à la fois, il a l’air de jouer avec tous ceux qui l’attaquent. Tantôt il se dresse comme un véritable épi de blé, tantôt il se plie avec une rare souplesse et glisse sous le bras de ses ennemis avec la rapidité du serpent. Lancés bientôt sur l’arène par son bras nerveux, plusieurs de ces enfans y rebondissent comme la paume ; la lutte est inégale avec ce nouveau venu, tout ploie, tout lui cède. La feuille du bananier que courberait un enfant ne se redresserait pas plus agile, quand il s’incline de lui-même pour se relever. C’est à qui l’enviera parmi les créoles, comme parmi les noirs : une terreur superstitieuse fait croire à ces derniers que c’est un dieu. Il a passé par toutes les épreuves de la lutte, on dirait de l’un des Macchabées par la flamme. On ne l’entend pas respirer avec bruit, ainsi que ses adversaires ; le voilà lui-même ouvrant le tir de la bague sur un cheval nu, tandis que les autres portent la selle.

Une tête de bois représentant un horrible nègre aux lèvres grosses, au nez épaté, aux cheveux crépus et roides comme un balai, forme le faquin d’usage