Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
CREOLE ET MARQUISE.

— Ma maîtresse m’envoie vous chercher, monsieur Platon ; ne vous avais-je pas prévenu qu’elle se levait à trois heures ?

— Mille pardons, mademoiselle, répondit Joseph en rentrant par la salle de l’office, où il trouva Saint-Georges nettoyant l’un de ses fusils. Le jeune mulâtre venait de serrer le violon dans sa boîte, après l’avoir enveloppé dans sa couverture de serge verte avec tous les soins possibles.

— Attendez-moi dans cette salle jusqu’à mon retour, mon Orphée jaune, et n’oubliez pas de m’y faire arranger mes bottes par Noëmi avec des feuilles de palma-christi, des oranges aigres et du noir de fumée, pour les rendre luisantes… Hier encore elle me les apporta couvertes de pépins et de plaques de noir non broyé.

En parlant ainsi, Joseph Platon n’était pas fâché d’humilier, en passant, le talent de son élève. L’enfant ne répliqua pas et fut s’asseoir dans un coin. Noëmi n’était plus là.

Après un coup d’œil donné, dans la salle, à un grand miroir piqué de mouches, coup d’œil qui servit à Platon pour resserrer le nœud de sa cravate et donner un tour gracieux à son jabot, le gérant de la Rose suivit la nouvelle Iris de Mme la marquise.

Chemin faisant, Platon chercha vainement à la faire causer, ce fut en pure perte ; Mlle Finette n’était point une servante de comédie. Elle marchait d’un air fier et résolu, se fiant sans doute à sa beauté, qui était grande, et à l’importance de son rôle de