Disant ainsi, le vieux maître d’hôtel touchait complaisamment sa livrée neuve. Dans l’idée de M. Printemps, changer de collier n’était rien, pourvu que le collier fût d’or.
Ce soir-là même, en femme habile et prudente, la marquise de Langey avait envoyé par son noir ses gratifications aux gens ordinaires de M. de Boullogne. M. Printemps était donc sous le poids d’une ivresse double, celle de la gratification et de la livrée.
Les nègres n’osaient se lancer en fait de joie, comprimés qu’ils étaient par l’aspect rechigné de Joseph Platon, appuyé sur son grand fouet.
Sa contenance devait être, à vrai dire, une énigme pour eux. Pendant que le maître d’hôtel chauffait l’enthousiasme, Platon, livré sans doute à quelque rêverie contemplative, regardait tristement les boucles de ses souliers gris. Un combat intérieur le brisait, il faut le croire ; car soudain il se leva et frappa sur la table un coup de manche de fouet à écraser les maringouins sifflant autour des chandelles…
— Hors d’ici, négrites, dansez la chica si vous voulez, on vous l’accorde, mais qu’après demain tout le monde soit sur pied !
Un murmure de joie accueillit cette sortie. Les nègres, en voyant Platon lever son fouet, croyaient être battus ; il leur permettait la danse. Le mot de chica une fois lâché, la salle d’office fut vide. Il ne demeura que le maître d’hôtel, Platon et Noëmi.
— Tu ne vas pas avec eux, Noëmi ? dit le gérant.
— Si vous le permettez, maître, je préfère rester ici : ce linge est d’ailleurs en mauvais état, et je ne