Page:Roinard - Sur l’avenue sans fin, 1906.djvu/9

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Et grêle comme un espoir, ce vol d’éphémère !…
L’âpre saccade d’un rire a fusé derrière.
Sa fuite… aigre rire qu’on eût dit s’enrayer
De tant de joie et dont la dissonance aride
Sous le bois s’élargit, de hallier en hallier
Pareille à l’eau du lac qui certains jours se ride
Jusqu’au ciel, sous l’effroi d’une chute homicide.
Oh ! ce rire de bouche, peut-être sans dents !
Très loin, toujours plus loin, tout là-haut, je l’entends
Se perdre par delà l’horizon, dans le vide !…



Puis tout s’est tu… Muet, va triompher le soir
Dans un calme de mort mais ô subtil pouvoir
Magnétique des sons vers les sons soudain, l’aigre
Rire fanfaron réveille en sursaut d’espoir
La voix par l’ivresse endormie et, plus allègre,
Son chant reprend sous les fourrés du bois tout noir…

J’erre à travers le vide,
Le front livide,
Le ventre creux,
Le crâne vide,
L’œil amoureux
Et le cœur bien heureux !…

Peut-être le bonheur c’est de forcer le Sort
Car devant nous fuit le vide !… marchons ! l’Effort
Grandit l’Espoir ; le jour s’en va, le jour se lève,
Après l’été le vin, après l’hiver la sève,
Ici le val, là-haut le mont, là-bas la grève
Et la mer et du vent… Marchons Marchons encor !
Derrière un horizon d’autres lointains, sans trêve,
S’offrent aux pas poudreux comme aux ailes du rêve !
Suis ta chair qui marche même lorsqu’elle dort !
Car c’est toujours la Vie en route pour la Mort !