Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/124

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Ô nouvel amant de la belle Mélibée ! De quelle manière payerez-vous la vieille qui a risqué aujourd’hui sa vie pour votre service ? Quelle femme s’est jamais vue dans une position aussi critique que la mienne ? Quand j’y pense, le sang abandonne mes veines. J’aurais donné ma vie pour moins que je ne céderais maintenant cette mante vieille et usée.

Parmeno, à part. Tu prêches pour toi, tu trouves toujours moyen de glisser tes intérêts au milieu de ceux des autres65. Tu as monté un échelon, tout à l’heure je t’attends à la robe. Tout pour toi et rien de ce qui peut se partager. Elle veut faire son paquet, la vieille. Tu me forceras à être franc, et tu rendras mon maître fou. Laisse-la dire, Sempronio, et tu verras qu’elle ne demandera pas de l’argent, parce qu’il est trop facile à partager.

Sempronio. Tais-toi, imprudent ; si Calixte t’entend, il te tuera.

Calixte. Ma mère, abrége tes discours ou bien prends cette épée et tue-moi.

Parmeno, à part. Le diable tremble comme s’il avait des convulsions ; il ne peut pas tenir sur ses pieds ; il voudrait lui prêter sa langue pour qu’elle parlât plus vite. Sa vie ne sera pas longue, nous gagnerons un deuil à ces amours.

Célestine. Votre épée, seigneur, que voulez-vous dire ? Qu’une méchante épée tue vos ennemis et quiconque ne vous aime pas ; je viens vous rendre à la vie et vous faire part du bon espoir que j’ai reçu de celle que vous chérissez le plus.

Calixte. Bon espoir, ma mère ?

Célestine. On peut l’appeler bon, puisque la porte reste ouverte pour mon retour ; on me recevra plutôt moi avec cette robe trouée, qu’une autre avec des vêtements de soie et de brocart.

Parmeno, à part. Sempronio, couds-moi la bouche, je n’y puis tenir, voilà la robe qui y passe.