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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/51

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sens maintenant en votre présence. Mais, hélas ! quelle différence ! Ils jouissent sans crainte de déchoir d’une telle félicité, et moi, malheureux, je n’ose penser au cruel tourment auquel va me livrer votre absence.

Mélibée. Est-ce donc pour vous, Calixte, chose si précieuse ?

Calixte. À un tel point que si Dieu m’offrait le plus grand bien de la terre, je l’estimerais moins qu’un si grand bonheur4.

Mélibée. Je vous réserve une récompense plus conforme à votre mérite si vous persistez.

Calixte. Oh ! bienheureuses soient mes oreilles, indignes d’écouter si douce parole.

Mélibée. Puissent-elles être maudites pour ce qu’elles ont encore à entendre ! Votre récompense sera telle que le mérite votre folle audace. Le but des paroles, des pensées des hommes tels que vous est de lutter contre la vertu des femmes comme moi. Éloignez-vous, sortez d’ici, infâme ; ma patience ne peut supporter l’idée qu’il soit né dans le cœur d’un homme la pensée de partager avec moi son amour illicite.

Calixte. Je m’éloigne, semblable à celui contre lequel la fortune adverse s’exerce avec un continuel acharnement5.


Calixte. Sempronio, Sempronio ! où es-tu, maudit ?

Sempronio. Je suis ici, seigneur, je panse vos chevaux.

Calixte. Que veux-tu dire ? Pourquoi sors-tu de cette salle ?

Sempronio. Votre faucon était descendu, je suis venu le remettre sur le perchoir.

Calixte. Le diable t’emporte ! puisses-tu périr de misère ou souffrir un tourment éternel égal à celui que j’endure et dont la mort me délivrera, j’espère. Avance, maudit, ouvre ma chambre et dispose mon lit.

Sempronio. Tout cela est fait, seigneur.