Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/56

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de la constance, nous l’appelons dans mon pays résistance ou entêtement. Vous autres philosophes de Cupidon, nommez-la comme vous voudrez.

Calixte. Le mensonge est chose honteuse dans la bouche de celui qui professe ; ne vantes-tu pas sans cesse ton amie Élicie ?

Sempronio. Faites le bien que je vous dis et non le mal que je fais.

Calixte. Que me reproches-tu ?

Sempronio. De soumettre la dignité de l’homme à l’imperfection de la faible femme.

Calixte. Femme ! homme grossier ! c’est un dieu plutôt !

Sempronio. Le croyez-vous ainsi, ou bien vous riez-vous de moi ?

Calixte. Si je ris ? Je la crois dieu, je la reconnais pour dieu, et je ne crois pas qu’il y ait une autre puissance dans le ciel, bien qu’elle demeure parmi nous.

Sempronio. Ha, ha, ha ! (À part) Entendez-vous comme il blasphème ! Voyez-vous quel aveuglement !

Calixte. De quoi ris-tu ?

Sempronio. Je ris parce que je n’eusse pas cru qu’on pût inventer un péché pire que celui de Sodome.

Calixte. Comment ?

Sempronio. Parce que les habitants de Sodome ont commis une abominable faute avec des anges inconnus ; mais vous, vous aspirez à un être que vous croyez dieu.

Calixte. Maudit sois-tu pour m’avoir fait rire, ce que je ne pensais faire de l’année !

Sempronio. Mais voulez-vous pleurer toute votre vie ?

Calixte. Oui.

Sempronio. Pourquoi ?

Calixte. Parce que j’aime une femme près de la-