Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/64

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Sempronio. J’y vais.

Célestine. Veux-tu bien rester ! laisse là cette folle, que ton absence a étourdie et qui perd la tête. Elle va te dire mille sottises. Viens près de moi, nous causerons. Ne laissons pas ainsi passer le temps inutilement.

Sempronio. Mais qui est en haut ?

Célestine. Tu veux le savoir ?

Sempronio. Oui.

Célestine. Une jeune fille qu’un moine m’a donnée à garder !

Sempronio. Quel moine ?

Célestine. Peu t’importe.

Sempronio. Sur ma vie, mère, quel moine ?

Célestine. Entêté ! le prêtre, le gros21.

Sempronio. La malheureuse, quelle charge l’attend !

Célestine. Nous portons chacune la nôtre. As-tu remarqué, malgré cela, beaucoup d’écorchures sur le ventre des femmes ?

Sempronio. Des écorchures, non, mais des meurtrissures, oui.

Célestine. Ah ! farceur !

Sempronio. Écoute, si je suis farceur, laisse-la moi voir.

Élicie. Ah ! don maudit ! tu veux la voir ? Les yeux te démangent, une seule ne te suffit pas. Marche et laisse-moi pour toujours.

Sempronio. Tais-toi, ma vie, ne te fâche pas ; je ne veux voir ni elle ni aucune autre femme au monde. Je veux parler à la mère. Adieu !

Élicie. Adieu ; va, indigne, reste encore trois autres années sans revenir.

Sempronio. Mère, aie confiance en moi et sois persuadée que je ne veux pas me jouer de toi. Prends ta mante et partons ; en chemin je te dirai une chose qui est telle que si je m’arrêtais ici pour te l’apprendre, c’en serait fait de ton profit et du mien.