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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/76

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compère ; j’ai vécu quelque temps chez toi ; ma mère me mit sous ta garde lorsque tu demeurais au bord de la rivière, près des tanneries.

Célestine. Jésus, Jésus, Jésus ! tu es Parmeno, le fils de la Claudine ?

Parmeno. En vérité.

Célestine. Le feu du ciel te brûle ! ta mère était une aussi vieille gueuse que moi. Pourquoi m’attaques-tu ainsi, Parmeno, mon fils ? Est-ce bien lui ? C’est lui, par tous les saints ! Approche-toi, viens ici. Je t’ai donné dans ce monde bien des soufflets, bien des coups de poing et tout autant de baisers. Te souviens-tu quand tu dormais à mes pieds, petit fou ?

Parmeno. Ah ! je m’en souviens bien, et quelquefois, bien que je fusse tout petit, tu m’attirais à ton chevet, tu me pressais contre toi, et je me sauvais parce que tu sentais la vieille.

Célestine. La fièvre te brûle ! n’as-tu pas honte de parler ainsi ! Laisse là ces folies et ces passe-temps ; écoute, mon fils, et sois attentif, car bien que j’aie été appelée dans un but, je suis venue pour un autre ; j’ai conçu de nouvelles idées en te voyant, et je ne suis ici maintenant que pour toi. Tu sais, mon cher fils, comment ta mère (que Dieu garde !) te confia à moi du vivant de ton père. Au moment de sa mort, déjà tu m’avais quittée, elle n’avait d’autre inquiétude que toi et ton avenir ; ton absence lui rendît cruelles les dernières années de sa vieillesse ; au moment de sa mort, dis-je, elle m’envoya chercher, et, en secret, me chargea de toi ; puis, sans autre témoin que celui qui peut témoigner de toutes actions et de toutes pensées, qui connaît les secrets de nos cœurs et de nos entrailles, et qui se plaça entre elle et moi, elle me dit de te chercher, de t’amener chez moi et de te donner asile. Lorsque tu aurais atteint un âge raisonnable, je devais, pour qu’en vivant tu pusses tenir une position, te découvrir un lieu où elle avait caché une quantité