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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/89

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vérité40… Tu hennis, don cheval ? N’est-ce pas assez d’un amoureux dans la maison ? Penses-tu aussi à Mélibée ?

Calixte. Ce cheval arrive-t-il ? Que fais-tu, Parmeno ?

Parmeno. Seigneur, le voici ; Sosie n’était pas là.

Calixte. Alors tiens-moi l’étrier, ouvre davantage cette porte, et si Sempronio vient avec cette vieille, dis-leur d’attendre, je serai bientôt de retour.

Parmeno, seul. Plutôt jamais. Va-t’en au diable ! Dites à ces fous ce qui est dans leur intérêt, ils ne voudront pas vous voir. Sur mon âme ! si on lui donnait maintenant un coup de lance dans le talon, il en sortirait plus de cervelle que de la tête. Va ! Célestine et Sempronio sauront t’éplucher, je t’en réponds. Ô malheureux que je suis ! je suis fidèle et maltraité. D’autres gagnent à être méchants ; moi, je perds à être bon ; ainsi va le monde. Je veux suivre les traces des autres, puisqu’on appelle sensés les traîtres, et imbéciles ceux qui sont fidèles. Si j’avais cru Célestine avec ses six douzaines d’années sur les épaules, Calixte ne me maltraiterait pas. Ceci me servira de leçon pour ma manière d’agir avec lui à l’avenir. S’il dit : « Mangeons », je dirai comme lui, s’il veut abattre la maison, je l’approuverai ; s’il veut brûler ses domaines, j’irai lui chercher du feu. Qu’il détruise, qu’il rompe, qu’il brise, qu’il gaspille, qu’il donne son bien aux entremetteuses, j’en aurai ma part, car on dit : « Il n’est rien comme de pêcher en eau trouble ; » et encore : « Jamais le chien n’est mieux qu’au moulin. »