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ROLAND À RONCEVAUX

Cultivant la science, nous ne sommes pas, nous Français, de ceux qui disent « notre science ».[1] Et vous non plus, les savants d’Angleterre, vous n’êtes pas de ceux-là. Mais, pour avoir multiplié entre nous, au cours des siècles, les liens spirituels, nous savons, vous et nous, qu’il est bon et salutaire de nous faire tour à tour, au grand sens où l’entendait Rabelais, prêteurs et emprunteurs. « Tous soient debteurs, disait-il, tous soient presteurs ! Croyez que chose divine est prester ; debvoir est vertu héroïque. » [2] En cet esprit vous m’avez appelé, quoique indigne ; et, comme un pèlerin qui chemine vers une basilique lointaine, lumineuse et chère, je suis venu, non pour donner, mais pour recevoir. En cet esprit, l’humaniste que je suis rend très pieusement hommage, au nom du Collège de France, la maison de Bude, à l’Université d’Oxford, la maison de Bentley. En cet esprit, le médiéviste que je suis vénère cette bibliothèque bodléienne où, tout jeune, jadis, il a travaillé, le sanctuaire des Douce et des Digby. Et le Français que je suis, père de deux soldats de la République et maître de tant de jeunes Français qui dans la grande guerre ont offert ou donné leur vie, salue avec respect les étudiants d’Oxford, tant de jeunes Anglais qui, comme eux, ont offert ou donné leur vie et qui méritent qu’à jamais on redise d’eux ce que M. Lloyd George disait des combattants de Verdun,

  1. Voir E. Renan, Lettre à un ami d’Allemagne, 1879.
  2. Rabelais, Pantagruel, chapitre V.