Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1443

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

espérait le remplacer à Rouen ; mais il ne fut pas agréé, et c’est Goy qui lui fut préféré (Alm. royal de 1780, p. 573). C’est sans doute pour cela qu’il écrit à Marie Phlipon, le 3 décembre 1779 : « J’ai failli envoyer ma démission, je suis dans une crise violente, for incertain encore quand elle se terminera… », c’est aussi à cela, semble-t-il, que Madame Roland fait allusion lorsque, rendant compte à son mari, le 26 avril 1784, d’une audience qu’elle a eue d’un des Intendants du commerce, elle dit : « Je n’ai point fait valoir à M. de Montaran la perte de R… [Rouen ?] ».

Roland écrit (Mém. des services, 1781) : « À la fin de la même année [1779], je fus mandé à Paris par l’Administration pour concourir avec elle à la refonte et rédaction des règlements généraux et particuliers des manufactures de tout le royaume ; j’y passais l’année entière 1780, occupé de ce travail… » (Cf. Mém., II, 245.)

En réalité, il n’arriva à Paris que le 28 septembre, pour se rendre aussitôt à Longpont, et ne rentra à Paris que le 6 janvier. (Son copie-lettres, au ms. 6242, se termine au 1er novembre 1799.)

En résumé, au moment où il épousa Marie Phlipon, sa situation était la suivante :

Privé de l’appui de Trudaine, mal en cour auprès des Intendants du commerce, il venait de se voir refuser l’inspection de Rouen, avait failli envoyer sa démission et commençait à songer à la retraite.

Toutefois on appréciait tellement sa longue expérience et sa parfaite connaissance du métier, qu’on venait de l’appeler à Paris pour y travailler, dans les bureaux du contrôle général, à une refonte des règlements des manufactures.

D’autre part, comme pour prendre une revanche de sa fortune administrative manquée par la chute de Trudaine, peut-être aussi pour ajouter quelque argent à ses modestes appointements et se mettre en ménage, il avait commencé à écrire. Son Mémoire sur les moutons est de juillet 1779 : ses Arts étaient en préparation ; celui des Étoffes de laine était en manuscrit depuis 1776 et allait paraître en 1780 : celui du Velours de coton devait aussi être publié la même année ; celui du Tourbier en 1783.


§ 2. Sa maison.

Dès 1779, et en vue de son mariage, Roland avait loué à Amiens « une maison inhabité depuis des années et où il n’y avait que les murs ». (Lettres à Marie Phlipon des 19 mai et 8 juin 1779.) Son loyer était de 500 livres (lettre du 19 mai). Elle était située rue du Collège (ms. 6240, fol. 98-99). Elle appartenait à une dame Coquerel (lettres de Madame Roland à son mari, 3, 14, 27, 28 janvier 1782, 16 janvier 1783). C’était sans doute la maison sise « vis-à-vis le Collège », dont Louis Varlet, « bailli du temporel des Jésuites d’Amiens, seigneur du prieuré de Saint-Denis », avait donné saisine, le 5 août 1777, à « Pierre-Charles Coquerel, conseiller du Roi, président-trésorier de France au Bureau des finances de la Généralité d’Amiens. » (Inv. des Arch. de la Somme, B. 921), marié depuis 1757 à Marie-Anne-Ursule de la Haye (ibid, 138). Coquerel devait être mort en 1782, car il ne figure pas à l’Almanach de Picardie de cette année-là parmi les trésoriers