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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1442

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bien reconnu pour étranger, et n’ayant rien pour se déguiser, parcourut plusieurs provinces, vit tout ce qu’il avait à voir, écrivit tout ce qu’il voulut sous la dictée des Anglais mêmes, dont il prenait les instructions ; allait le soir dans les cafés, dans les tavernes, causer politique, plaisanter même sur les flottes respectives alors en présence ; il avait été obligé de fréter pour aller, il fut obligé de fréter pour le retour. En a-t-il jamais fait bruit ?…

« …Vous prétendez, il est vrai, que la tête de M. H. était à prix en Angleterre ; il se peut qu’il l’eût exposée en retournant à Manchester. Mais on sait quelles têtes les États mettent à prix !… Avec de la prudence, on se tire de partout, et si M. L D. P. eût eu assez d’argent, il aurait rapporté calandres, mécaniques, procédés, et tout Manchester. Mais l’Administration ne lui avait pas donné un sol pour cet objet…»

Avec les notes rapportées d’Angleterre et les observations faites en Boulonnais avant son départ et après son retour, — combinées avec un travail antérieur, — Roland publia, en 1779, son premier ouvrage :

« Mémoire sur l’éducation des troupeaux et la culture des laines » (voir Dict. des manuf., t. I, 137*). Ce n’était d’ailleurs, il nous l’apprend lui-même, qu’une refonte d’un travail antérieur, commencé à Lodève : « Le mémoire que je fis en Languedoc [sur les moutons] et que j’envoyai à l’Administration en 1765, mémoire qui est le même que celui imprimé en 1779, au régime près des moutons anglais dont je me suis instruit et qui s’y est fondu depuis… ». (Dict. des manuf., t. II, 89.)

Le travail parut dans la livraison de juillet 1779 du Journal de physisue que dirigeait alors l’abbé Rozier. Roland se contenta d’un tirage à part, à ses frais, de cent exemplaires (Rec. Join-Lambert, Lettre à Marie Phlipon du 17 juin 1779). Il n’y eut donc pas alors d’édition spéciale. — Mais le mémoire paraît avoir été réimprimé en 1783, probablement dans la Collection des arts et métiers de Neufchâtel.

Il semble d’ailleurs que Roland n’ait envoyé son mémoire au Journal de physique qu’après l’avoir soumis à une académie de province qu’il ne nomme pas, mais qui a bien l’air d’être celle de Rouen (Dict. des manuf., t. I, 195*).

C’est durant cette année de 1779 que commença, entre Marie Phlipon et Roland, cette « correspondance amoureuse » que M. Join-Lambert a publiée. C’est en avril (lettre XII) que la crise commence véritablement ; Roland est alors à Paris. En mai, Roland est rentré à Amiens, il y a eu engagement réciproque, et le mariage est projeté pour août ou septembre (lettre XXVII). En août, survient un vif froissement, à propos des exigences du père Phlipon (lettre LXVIII) ; Roland s’en va aux eaux de Saint-Amand, puis écrit une lettre sèche au père Phlipon (l. LXXII), et tout semble rompu ; mais la correspondance ne s’arrête pas pour cela, elle se poursuit pendant que Roland va à Dieppe en septembre (l. LXXXI), et que, dans les premiers jours de novembre, Marie Phlipon se retire à la Congrégation (l. XCVIII). À la fin de décembre, l’inspecteur se rend enfin à Paris (l. CVI) : au commencement de janvier, il revoit Marie Phlipon à la grille du couvent, oublie tous ses griefs, et le 4 février 1780 l’épouse à Saint-Barthélemy. (Voir Révol. franc. du 14 avril 1896, p. 372-373.)

Roland semble avoir eu cette année-là une grande déception : son parent Godinot, inspecteur de la généralité de Rouen, prit sa retraite ; Roland, qui ne se plaisait pas à Amiens,