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§ 5. En Angleterre.

Bancal, en se rendant à Clermont, avait annoncé qu’il poursuivrait ses recherches pour un domaine à acquérir ; le 16 octobre, il avait en effet envoyé des renseignements sur deux de ces domaines, Beauregard et Moupeyroux, voisins de Clermont. On pouvait donc croire, bien qu’il eût déjà parlé d’un séjour en Angleterre (lettre du 16 octobre), qu’il prolongerait son séjour en Auvergne, quand on reçut, tout à coup, le 28, une lettre de lui, datée de Paris : il avait dû quitter Clermont vers le 22 et arriver à Paris le 25.

Là aussi, il ne fit guère que passer trois semaines au plus. Une lettre adressée par Brissot au libraire James Philips, de Londres, pour lui recommander Bancal, est du 6 novembre 1790[1]. Un calcul approximatif des dates éparses dans la Correspondance permet de croire qu’il partit de Paris vers le 12 et arriva à Londres vers le 16.

Qu’allait-il faire en Angleterre et pourquoi un départ si subit ? Son esprit inquiet, son humeur voyageuse, son désir de voir de près les unitariens anglais dont Brissot lui avait tant parlé et de travailler avec eut à la confédération universelle des peuples donnent une explication générale qui pourrait suffire. Mais il y avait certainement d’autres motifs : d’abord, la déception politique, Bancal n’avait pas rencontré à Clermont plus qu’à Paris le rôle qu’il ambitionnait ; toutes les élections s’étaient faites sans qu’il y eût trouvé sa part ; les positions étaient prises pour un certain temps, et le dépit, qui est toujours mauvais conseiller, le poussait à quitter la place. Il y avait aussi une déception de cœur : cet honnête homme, rappelé par Madame Roland à la raison et au devoir, voulait s’aider de la distance pour revenir à la ligne d’amitié qui lui était doucement imposée. Ajoutons (car les déterminations humaines sont toujours complexes, surtout dans de telles natures) que ce brusque départ était peut-être un moyen de se dégager, vis-à-vis de Brissot et de Lanthenas, du projet d’association agricole, qui décidément ne marchait pas ; Robert Pigott, qui eût été un des principaux bailleurs de fonds, s’était finalement dérobé et Bancal — on n’a pas été notaire impunément — alliait à son sentimentalisme sincère un sens pratique très réel (Madame Roland aussi, voir lettre du 5 novembre 1790).

Bancal, arrivé à Londres vers le 16 novembre 1790, y demeura jusqu’au 2 juin 1791. Il y reçut de Madame Roland dix-sept longues lettres ; il continua de correspondre avec Lanthenas, avec Bosc qui, comme d’ordinaire, faisait passer les missives[2], avec Brissot[3], etc… Il ne nous reste rien, malheureusement, de ses réponses. Nous n’avons, pour y suppléer, que des notes inscrites par lui au bas de quelques-unes des lettres de Madame Roland, ainsi que les dates de la réception et de la réponse.

Logé d’abord chez mistress Margrave, 40, Bury Street, Saint-James, jusqu’au commencement de mars, puis Frith Street, no 7, Soho Square, il se répandit dans la société des amis de Brissot, quakers, déistes, unitariens, amis de la France et de la Révolution. Nous avons dressé, à l’aide de la correspondance, des papiers de la collection Picot et du livre de

  1. Catlogue Morrison.
  2. Collection Morrison, lettres de Lanthenas à Bosc, ms. 9534, fol. 243 et 245.
  3. Patriote français du 26 décembre 1790, « Extrait de la lettre d’un voyageur français en Angleterre ».