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À ce moment-là, Madame Roland travaillait à le marier. Les sentiments trop tendres que Bancal lui avait témoignés en septembre 1790 et qui l’avaient elle même quelque peu troublée, avaient fait place, — dès le milieu de 191, semble-t-il. — à une paisible et franche amitié. Une jeune anglaise, Helena-Maria Williams, qui avait fait avec sa mère un premier séjour à Paris en juillet 1790, que Bancal avait vue en Angleterre en mai 1791 et qui était revenue s’établir à Paris au milieu de 1792, avait été introduite par Brissot dans le monde girondin. Elle était liée avec Madame Roland, elle recevait, dans l’hôtel de la rue de Lille où elle s’était installée avec sa mère et sa sœur, Brissot et Girey-Dupré, Achille de Chastellet et Miranda, Lasource et Sillery, Grégoire et Rabaut-Saint-Étienne, etc… Bancal, conduit chez elle, ne resta pas insensible au charme de cette jeune fille de vingt-quatre ans (il en avait quarante-trois), si généreusement éprise de la France et de la Révolution. Il voulut demander sa main et Madame Roland s’offrit pour faire les ouvertures (lettres 521, 522, 523). Ses démarches restèrent infructueuses. Trois ans après au retour de sa captivité d’Olmutz, Bancal fit réitérer sa demande par Grégoire, le 3 juin 1796 (Mège, p. 165). Il ne fut pas plus heureux Hélène Williams était alors engagée dans une liaison intime, ou un mariage secret avec son compatriote John Hurford Stone[1], enthousiaste comme elle de notre Révolution.


§ 11. La captivité, les dernières années.

Le 30 mars 1793, un décret de la Convention mettait Bancal au nombre des quatre commissaires chargés d’aller avec le ministre de la Guerre, Bournonville, sommer Dumouriez de se soumettre à lui. Dans la nuit du 1er au 2 avril, le général rebelle consommait son crime en livrant aux Autrichiens les cinq délégués de la République. Bancal fut conduit à la forteresse d’Olmutz.

Le guet-apens de Dumouriez préserva Bancal de périr avec Brissot ou de plier avec Lanthenas.

Après plus de vingt mois de captivité, les prisonniers, échangés contre la fille de Louis XVI, purent rentrer en France (27 décembre 1795), et Bancal, le 2 janvier 1796, venait prendre place au conseil des Cinq-Cents[2], un décret de la Convention, du 19 août précédent ayant décidé qu’il serait, de droit, membre du nouveau corps législatif.

Il apparaissait comme un revenant : Brissot, les Roland n’étaient plus là. Il retrouvait Bosc, Lanthenas, mais séparés l’un de l’autre. Bosc malheureux, sans situation, le cœur profondément troublé, et bientôt partant pour l’Amérique. Lanthenas, membre du Conseil des Cinq-Cents, mais plus effacé et plus mélancolique que jamais, traînant le poids de ses souvenirs. Bancal resta l’ami de l’un et de l’autre.

Il y a aux Papiers Roland, ms. 9534, fol. 273-304, dix-sept lettres à lui adressées par Lanthenas depuis octobre 1794 jusqu’au 16 décembre 1798, trois semaines avant la mort de celui-ci. Elles mériteraient d’être publiées ou analysées. Les unes se rapportent à la

  1. John G. Alger Englishmen in the French Revolution, p. 60.
  2. Il retourna demeurer dans la cours de l’Orangerie.