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rêveur (ainsi que son ami Lanthenas) et laissé le plus souvent en dehors de la bataille des partis. On trouvera, à la Table du Moniteur, le relevé de ses actes. Voici ceux qui nous intéressent le plus :

Dans le Patriote du 9 octobre 1792, il proposa d’établir la censure dans l’Assemblée, pour empêcher des scènes scandaleuses, comme il s’en était déjà produit.

Le 16 octobre, Madame Roland le presse de morigéner Couthon, sur lequel elle avait cru pouvoir compter, et qui venait de se séparer (voir lettre 500).

En décembre, Anacharsis Cloots ayant lancé sa fameuse brochure contre Roland, où il mettait Bancal en cause, celui-ci lui riposta vivement (voir Mège, p. 75 et 76). Il n’en était déjà plus aux rêves démesurés de Fauchet : « Je crois plus, disait-il, à la paix universelle qu’à la République universelle ». Cf. Patriote du 16 décembre.

Le 24 décembre, il prononça à la Convention un long et remarquable discours sur l’éducation nationale, qu’on trouvera dans le recueil de M. J. Guillaume (t. I, p. 247-263). Ce sont assurément les plus belles pages qu’il ait écrites. Elles sont d’un patriote et d’un libéral. Le succès fut très vif, et Bancal lui dut sans doute d’être appelé, en janvier 1793, au Comité d’instruction publique, où il devait retrouver Lanthenas. Mais il fut assurément un membre négligent, car c’est à la séance du 19 mars qu’il parut pour la première fois (Guillaume, t. I, p. vii-ix).

Il fut secrétaire de l’Assemblée du 10 au 24 janvier et eut, en cette qualité, à donner lecture, le 14 janvier, de l’« opinion » de Thomas Paine sur le procès de Louis XVI.

De même que son ami Paine, il se prononça contre la mort du Roi, proposant l’emprisonnement jusqu’à la paix et le bannissement ensuite. Helena-Maria Williams, dont nous allons parler bientôt, assure, dans ses Souvenirs de la Révolution française (p. 39), que c’est sur ses « remontrances » que Bancal se détermina[1].

Il était membre du Comité de constitution, et deux pièces de la collection Picot nous le montrent travaillant, avec Paine et Condorcet, en janvier et février 1793, à cette Constitution girondine que la Montagne fit alors ajourner[2].

Bien qu’il fût d’ordinaire parmi les membres les moins bruyants de la Convention, il prit la parole, dans l’orageuse séance du 26 février, amenée par les furieuses excitations de Marat pour le pillage des boutiques, pour demander que Marat fût expulsé provisoirement de l’Assemblée et enfermé « afin que l’on examine s’il est fou ». Mais, à part ce mouvement d’indignation, il se tient paisible à son rang dans le parti girondin, restant fidèle sans fracas à Roland, à Brissot et à leurs amis.

  1. On s’irrita de ce vote à Clermont et on parla de le rayer de la Société des Amis de la Constitution, devenue le club des Jacobins, Frossard, qui se trouvait à Clermont, prit sa défense (Mège, p. 205).
  2. Cf. Patriote du 19 décembre. — À ce moment-là, il avait quitté la maison du notaire Bro pour aller demeurer dans la « cour [ou cul-de-sac] de l’Orangerie, maison de M. Remon ». Il se trouvait là le proche voisin de Pétion. Il y était déjà en novembre 1792 (collection Picot), et cependant une lettre que lui adresse son frère, le 13 janvier 1793, porte encore « chez le citoyen Bro, près Saint-Sulpice », petit détail qui montre bien sa négligence ; il avait changé d’adresse depuis deux mois et n’en avait rien dit à son frère, bien qu’ils fussent restés unis.