Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/582

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Les petits abbés de ce pays sont d’une maladresse incroyable ; hier il en vint un, à six heures du soir, rapporter certain livre prété lundi pour sa conversion ; j’étais déjà au cabinet avec l’enfant et la bonne : l’abbé mit le livre à la salle et partit sans oser monter un escalier. Ne fait-on pas des merveilles quand on va de colle allure ?…

J’ai encore écrit par la poste à M. P.[1] ; je lui dis que j’envoie après toi un exprès pour tâcher de t’éviter un voyage inutile ; que je ne sais si l’on t’atteindra, parce que tu peux être passé d’un bureau à un autre ; que je regrette beaucoup qu’il n’ait pas été plus vite ou n’ait pas mieux connu la manière de faire d’un homme actif, comptant toutes ses heures parce qu’il les remplit toutes de travaux utiles ; n’apportant jamais aucun retardement aux affaires de sa place, parce qu’elles sont pour lui de premier devoir, et n’établissant aucune marche qu’après l’avoir réfléchie. Que s’il n’eût été question que de lui ou de toi, ton honnêteté t’eût fait prendre son jour, mais que, s’agissant de l’administration dont tu étais l’homme, tu lui avais indiqué celui qui convenait à l’ordre des choses ; que tu avais dû t’attendre d’autant plus à une juste correspondance de sa part, que ce n’était pas imprévu et qu’il était convenu entre vous que tu l’avertirais du moment où tu pourrais te rendre à sa manufacture ; que je désirais beaucoup que mon exprès t’atteignit, parce qu’il me paraissait infiniment désagréable qu’entre personnes honnêtes, quelqu’une eût le droit de se plaindre, et que je voudrais t’éviter jusqu’à l’aperçu de ce droit dont ta délicatesse n’aime point à user ; qu’enfin il me paraissait qu’il laissait encore de l’incertitude entre le samedi et le lundi ; que sûrement il n’aurait pas trouvé bon que tu lui fisses perdre un jour par une semblable indécision ; qu’il était vrai aussi que tu avais trop bien le tact des convenances pour manquer jamais à celles-ci, etc. Enfin je lui ai écrit d’abondance, très vile, et toute remplie de l’idée de son importance mercantile et de l’humeur que m’avaient donnée sa lettre

  1. Nous n’avons pu compléter cette initiale.