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irons le mois prochain ; nous aurons quelque embarras à la fin de ce mois, que nous allons faire peindre le cabinet.

[Je vous envoie une plante que j’ai prise, à son port, pour une espèce de valériane ; mais j’ai cru y voir des différences spécifiques ; elle est ici fort commune au bord d’une jolie petite rivière[1]. Adieu ; j’ai dans ce moment à mes oreilles le père Renard[2], qui nous dit que son fils vous a vu trois fois, mais que vous êtes si occupé qu’il craint de vous déranger. Adieu ; nous vous embrassons de bien bon cœur.]


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[À BOSC, À PARIS[3].]
19 août [1785, — de Villefranche].

Tandis que vous dîniez avec vos savants, nous dînions ici avec la veuve d’un académicien et des comtes et comtesses du voisinage, tant sacrés que profanes ; car il y avait dans tout cela une chanoinesse et un comte de Lyon[4] ; jugez de la sainteté des personnages ! La veuve est celle du comte de Milly[5], fort aise, avec grande raison, de sa viduité. Si vous ne connaissez pas son histoire, je vous en régalerai un autre jour. Nous n’avons point eu à visiter un herbier intéressant comme celui qui vous a rendu si heureux, mais nous avions des officiers honnêtes et passablement instruits, chose trop rare dans les militaires pour n’être pas fort agréable, et nous avons terminé la journée par une promenade à une vogue[6], c’est le nom qu’on donne ici aux fêtes pour lesquelles

  1. Le Morgon, qui traverse Villefranche.
  2. Inconnu.
  3. Bosc, IV, 97 ; Dauban, II, 537.
  4. Les chanoines de la cathédrale de Lyon (Saint-Jean) avaient la qualité de comtes

    Il y avait, près de Villefranche, plusieurs chapitres de chanoinesses, à Salles, à Alix, à l’Argentière, à Neuville, etc.

  5. Nicolas-Christiern de Thy, comte de Milly, chimiste, associé libre de l’Académie des sciences, né près de Beaujeu en 1728, mort à Paris le 17 septembre 1784. — Voir Mémoires secrets, 23 septembre 1784 ; Almanach de Lyon, 1784, p. 212.
  6. La date indique que cette « vogue » — c’est en effet le nom des fêtes votives en Beaujolais, Bresse, etc. — était celle de Saint-Roch, hameau de la commune de Gleizé, à deux kilomètres de Villefranche, qui avait lieu le 16 août. Nous l’avons vu célébrer encore, en notre jeunesse, dans le grand pré que décrit Madame Roland.