Eh ! bonjour donc, notre ami. Il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit ; mais aussi je ne touche guère la plume depuis un mois, et je crois que je prends quelques-unes des inclinations de la bête dont le lait me restaure ; J’asine à force et m’occupe de tous les petits soins de la vie cochone de la campagne. Je fais des poires tapées qui seront délicieuses ; nous séchons des raisins et des prunes ; on fait des lessives, on travaille au linge ; on déjeune avec du vin blanc, on se couche sur l’herbe pour le cuver ; on suit les vendangeurs, on se repose au bois ou dans les prés ; on abat les noix, on a cueilli tous les fruits d’hiver, on les étend dans les greniers. Nous faisons travailler le docteur[2], Dieu sait ! Vous, vous le faites embrasser : par ma foi, vous êtes un drôle de corps.
Vous nous avez envoyé de charmantes relations qui nous ont singulièrement intéressés ; en vérité, vous devriez courir toujours pour le plus grand plaisir de vos amis, et surtout ne pas oublier de les visiter.
Adieu ; il s’agit de déjeuner et puis d’aller en corps cueillir les amandiers. Salut, santé et amitié par-dessus tout.
Vous me voyez encore ici, où j’étais venue pour huit jours et où j’aurai demeuré probablement deux mois. Les arrangements économiques avaient déterminé la première résolution ; le bien-être moral et physique procure le changement d’avis. Notre mère, il est vrai, fait pendant notre absence autant de dépense que si nous y étions tous ; des étrangers prennent notre place à table ;