Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/897

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de faire bruit ; l’ensemble est une bagatelle et tout est pacifié aujourd’hui. Nos Suisses d’ici ont enfin quelques postes dans la ville, mais la bourgeoisie a gardé les principaux. On est assez tranquille, à l’exception des justes mécontentements que l’on a d’un échevin, commandant en l’absence du prévôt des marchands[1]. Non peut-être qu’on ait de grands torts apparents à lui reprocher, mais parce que c’est un mince homme, fort impérieux, très dur et très vain, opiniâtre et sachant mieux vendre du satin que commander une ville. D’ailleurs, le consulat, dont il est le chef, est comme toutes les vieilles municipalités, despote et contraire à tout le bien que veulent faire les autres et qu’il ne peut pas opérer.

Nous en avons l’exemple dans notre Société philanthropique[2] dont j’aurai bientôt des choses intéressantes et faites pour être publiées. Elle a les plus grandes vues, elle peut faire révolution en bien, et elle est croisée avec rage et astuce par la vieille municipalité.

Je ne vous parle plus guère maintenant de ce qui se passe à l’Assemblée, dont pourtant nous avons bien à dire ; mais nous avons replié nos regards autour de nous, et, en y découvrant beaucoup de bien à faire, notre attention s’y est concentrée.

Dieu veuille que votre Comité de recherches ne soit pas lâche et traître comme tous les précédents ! On dit ici des horreurs et des absurdités sur le duc d’Orléans. On ne voit que gens qui, avec une tour-

  1. L’échevin Jacques Imbert-Colonès, chef du consulat de Lyon en l’absence du prévôt des marchands, Tolozan de Monfort. (Voir sur lui Wahl, passim). — Il fut plus tard député aux Cinq-Cents, proscrit au 18 fructidor, et mourut à Bath en 1809.
  2. Le duc d’Orléans, dès qu’il eut succédé à son père (1785), s’était occupé, avec son chancelier Ducrest (frère de Mme  de Genlis), de créer, d’abord dans toutes les villes de ses apanages, puis dans un certain nombre de grandes villes, des bureaux de charité laïques, sous le nom de Sociétés philanthropiques. C’était un moyen de grouper sous le patronage de l’ambitieux prince du sang les partisans des idées nouvelles. — Voir à ce sujet les Mémoires de Brissot, t. II, p. 432. — À Villefranche, capitale du Beaujolais, apanage du prince, la Maison philanthropique s’était ouverte le 1er janvier 1788, et avait pour secrétaire Chasset, le futur membre de la Constituante et de la Convention ; à Lyon, la société avait pour secrétaire général Blot, l’ami de Brissot, et le Patriote français de 1789 en entretient souvent ses lecteurs. (Voir Appendice P.)