Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1015

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’arrive si souvent avant de me livrer au repos, car on me fait déloger pour cet hiver ; je vais occuper une chambre de passage, nouvellement distribuée et assez triste ; mais enfin, partout où l’on est avec soi-même, on appelle les objets dont on se plaît à s’occuper.

Je suis obsédée, je n’ai que le moment de cacheter et d’expédier avant l’heure du courrier ; adieu, mille fois ; ou plutôt, jamais adieu.


Le jeudi au soir 28 octobre 90.

Nous restons ébahis, notre cher ami, en recevant votre lettre de Paris. Nous vous croyons encore à conventualiser, à monacaliser, par monts et par vaux ; et il est certainement parti d’ici deux ou trois lettres à votre adresse à Clermont, qui n’y seront arrivés que depuis votre départ. Elles contiennent les histoires de notre petit théâtre, lesquelles, néanmoins, ne tendaient à rien moins qu’à faire danser le grand branle à toute la nation.

On voit très bien ceux qui proposent de faire armer les campagnes ; c’est véritablement sur elles qu’il faut compter, car elles ont l’amour de la chose dans le cœur ; mais il faut les instruire, les endoctriner au moral et au physique. Ils ont les bons principes ; ils ne manquent ni de bon sens, ne de courage ; mais il n’y a pas d’entente ; ils ne savent comment s’y prendre pour s’ordonner.

M. Pigott est à Lyon ; l’ami Lanthenas lui a écrit pour l’engager à venir le prendre, et aller ensemble vous trouver en Auvergne. Ne voilà-t-il pas que vous en êtes à cent lieues. Vous devriez vous occuper, et ce serait merveille, de faire entendre par quelqu’un de fort discret et de très adroit, à la ci-devant dame de cette paroisse[1], que son mari n’y serait plus vu de bon œil, et qu’ils feraient bien de se défaire de ces biens pour en acheter des nationaux auprès de Paris, etc… Ladite dame a mandé dernièrement qu’elle se proposait d’acheter une petite campagne aux environs de Paris, pour y aller passer la belle saison ; elle ne dit pas qu’elle veut vendre ; il ne faudrait pas non plus lui proposer d’acheter, mais lui faire entendre, etc. Nous avons fait de singuliers projets sur ces arrangements ; et je crois, par ma foi, que pour vous, pour lui, pour eux, pour nous, on ne saurait rien faire de mieux. Sa demeure est rue Neuve-des-Capucins, chaussée d’Antin. Nous avons déjà songé à un excellent agent ; nous lui avons écrit en Vivarais ; mais il ne peut aller à Paris avant le printemps, et il faut y être. On ne peut traiter une affaire aussi délicate qu’avec beaucoup de précautions, et en présence.

  1. Ceci doit désigner Mme de Nervo. — Nous avons vu (note de la lettre du 18 septembre 1787) que M. de Nervo était « seigneur de Theizé ». D’autre part, une lettre inédite de Roland à Bosc (coll. Morrison) nous le montre, au 4 octobre 1791, négociant encore avec M. de Nervo… « Étant prêts à placer ailleurs, nous préférerions acquérir de lui, près de nous, etc… » On y voit que l’ancien seigneur de Théizé habitait alors tantôt à Paris, tantôt « sa nouvelle maison de campagne, à Marly ».