Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1020

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de n’avoir pas de correspondant à Lyon, a reçu de lui plusieurs lettres sur cette ville et il n’a seulement pas donné signe de vie ; on ignorerait que les objets lui fussent parvenus, si Pethion[1], sous le couvert duquel ils étaient adressés, n’eût trouvé, tout député qu’il soit, le temps de répondre et d’instruire de leur destination.

Lanthenas a aussi écrit plusieurs fois à Blot en lui envoyant divers articles dont aucun n’a encore paru. Ce n’est que d’hier qu’il a eu des nouvelles de M. Pigott, franc original, qui ne répond seulement pas à tous les détails qui lui avaient été communiqués sur l’Auvergne et les Beauregard, et la proposition d’aller les visiter. Il mande qu’il a vu plusieurs biens ecclésiastiques dont aucun ne l’a satisfait, et qu’il croit qu’il vaudrait mieux chercher une propriété de particulier ; puis il engage Lanthenas à venir le trouver à Lyon pour y servir le patriotisme dans la société des Amis de la Constitution. En vérité, je ne pense pas qu’avec cet inconstant pythagoricien vous fassiez jamais rien, à moins qu’on ne trouve un objet qui, le séduisant d abord, l’entraîne sur-le-champ : s’il n’est ainsi pris subito, il cherchera toute sa vie et ne bâtira que des projets.

Voici le temps des élections à Lyon, on y parle beaucoup de notre ami ; adversaires et autres en font grand bruit, par des motifs très différents. Lanthenas met une sorte de délicatesse à s’y montrer dans cette circonstance pour ne pas donner prétexte à des suppositions de recherches ou de cabales. Notre ami lui a proposé d’aller visiter un prieuré près de Villefranche[2] et quelques domaines nationaux ; les choses en sont là, et je ne vois pas encore que les éléments de votre société soient crochus comme ceux des tourbillons de Descartes, de manière qu’ils peuvent s’agiter longtemps avant de se réunir et de former un monde.

Je n’aime pas que vous vous plongiez dans la mélancolie, c’est une mauvaise disposition pour le voyage de Londres dont le climat vous en inspirera bien assez dans cette saison. Vous trouverez cette grande ville toute enveloppée de brouillards et de fumées ; ce n’est pas le temps des beaux gazons et de la parure de ces jardins charmants où l’on peut se livrer à la douce rêverie ou

  1. C’est la première fois que Petion apparaît dans la correspondance. Sa liaison avec son compatriote Brissot explique ses relations avec Lanthenas.
  2. Roland et Lanthenas allèrent en effet, trois jours après, visiter le prieuré de Montroman, sur la commune de Dénicé, près Villefranche. Il y a là-dessus, au ms. 9534, fol. 238-241, une longue et intéressante lettre de Lanthenas à Bancal, du 9 novembre. Nous avons déjà dit qu’aucun de ces projets n’aboutit.