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savoir s’il aurait fait quelque découverte. Mais il n’était pas chargé de rien arrêter, et je ne sais si l’ami Lanthenas lui avait bien indiqué ce dont nous aurions besoin.


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À M. H. BANCAL, À LONDRES[1].
11 février 1791, — de Lyon.

Assurément, le premier besoin pour une âme saine c’est de n’avoir embrassé aucune résolution qui n’ait été fondée sur la conscience de ses devoirs et le sentiment de ses obligations. La volonté de remplir les uns et les autres est même si naturelle aux cœurs droits, qu’elle ne peut être anéantie et qu’elle est seulement aveuglée par l’erreur ou les passions. Aussi la grande affaire des honnêtes gens n’est pas de s’exciter à ce qu’ils doivent, mais de bien juger ce qu’ils ont à préférer.

Nous recevons aujourd’hui votre lettre à Bosc du 31 dernier ; il nous mande qu’il vous a répondu, sans nous rien dire de ce qu’il vous a marqué. Je vois avec cette douce satisfaction qui nous fait jouir des vertus de nos amis bien plus que des nôtres, peut-être parce que nous ne voyons qu’elles en eux et que nous sentons nos propres faiblesses, je vois, dis-je, que vous recherchez de bonne foi les raisons qui peuvent vous déterminer à prolonger votre séjour dans l’étranger ou à vous rendre dans votre patrie.

Je, ne m’établirai sûrement pas juge des uns (sic) ni des autres, parce que les données nécessaires ne sont pas toutes à ma connaissance ; mais je me reproche de vous avoir si vivement et peut-être inconsidérément engagé à revenir. Je ne vous ai envisagé que sous un seul point de vue, vous n’étiez présent à mon esprit que plongé dans la douleur et loin de toute consolation ; je vous ai désiré au sein des vôtres et recevant d’eux le baume qui charme les maux de la vie ; mais vous êtes homme et vous saurez supporter la tristesse d’une situation où il serait utile que vous demeurassiez encore. Encore une fois, c’est ce que je ne juge point ; mais je vous prie de n’avoir aucun égard à ce que je vous ai exprimé et de conserver toute l’impartialité dont vous aurez besoin de vous

  1. Lettres à Bancal, p. 168 ; — ms. 9534, fol. 90-91. — La lettre, timbrée de Lyon porte le même libellé d’adresse que celle du 26 janvier.