Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1139

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examen ; cependant vous le détiendrez sous bonne et sûre garde ; vous ordonnerez l’information contre tous ceux qui ont concouru à sa fuite ; vous maintiendrez votre première mesure d’agir sans sanction royale, et, afin de mettre plus de régularité, d activité dans la répartition et l’exercice des pouvoirs, vous nommerez, pour l’exécutif, un président national et temporaire, le tout provisoirement. — Avec cette marche, vous suivez sans entrave toutes les opérations du gouvernement ; vous prouvez par le fait, aux départements bien moins avancés que Paris à cet égard, qu’un roi n’est pas nécessaire et que la machine peut aller et va bien sans lui. Cependant mettez vos frontières en état de défense, ordonnez des munitions, veillez à vos finances ; les bons citoyens répandront l’instruction par des écrits, le patriotisme de la capitale s’étendra de toutes parts, la réforme de la Constitution se prépare, s’assure, et la République s’établit. Voilà ce qui nous semble devoir être préféré, voilà ce que nous prêcherions sur les toits si nous avions des voix de Stentor et ce que nous répétons autour de nous.

Je ne suis pas contente de Brissot, dans ces grandes circonstances ; je voudrais que sa feuille fût toute instruction sur cette matière, je la trouve toute gazette sur les événements. Les heures se précipitent ; on ne peut à la fois concevoir, observer, parler à beaucoup de monde et écrire pour imprimer à temps. C’est en ce moment que nous sentons le défaut et combien auraient résulté d’avantages d’une association telle que nous l’avions imaginée, de trois ou quatre personnes bien indépendantes, bien dévouées au salut public, ne s’occupant que de mûrir l’opinion et ayant une imprimerie consacrée à cet objet. Mais il faut bien s’entendre, oublier toute considération particulière, ne chercher dans l’établissement que de quoi l’assurer et le faire fleurir, sans ambition de places ni d’argent. C’est cette entente et le degré d’énergie, de désintéressement qu’elle exige, qu’il est si difficile de trouver dans trois ou quatre personnes qui aient en même temps assez d’estime réciproque pour se tolérer les différences de caractère, des lumières et quelque talent. À quoi a-t-il tenu, pourtant, que quelques têtes de votre connaissance et de la mienne aient formé cette réunion, bien suffisante dans ces temps de révolution pour opérer les plus grandes choses ?

Lyon est toujours dans une agitation désolante ; les factieux paraissent l’emporter dans les assemblées primaires ; on aura les plus mauvais électeurs qu’il soit possible d’imaginer, et, si les représentants leur ressemblent, la députation sera pire encore que celle d’aujourd’hui, ce qui semble au-dessus de toute