jouer de la vie des citoyens. Des chevaliers de Saint-Louis et autres aristocrate habitués de cette promenade applaudissent, excitent ces prouesses. Cependant la calomnie ménagée de loin se répand à flots : on imprime des pétitions incendiaires qu’on prétend être celles des citoyens assemblés ; on en fait de même de libelles auxquels on donne le nom de Robespierre, des relations infidèles de ce qui s’est passé ; enfin les conjurés, car c’est ainsi qu’il faut appeler maintenant la faction dominante de l’Assemblée nationale, réunis aux Feuillants, vont écrire ou ont déjà écrit à toutes les Sociétés affiliées pour les détacher des Jacobins et se les unir. Tel est le dernier moyen qu’ils veulent employer pour dominer l’opinion, comme ils oppriment ici les personnes. Si les départements cèdent à cette séduction, la liberté est perdue et nous sommes asservis au nom de la Constitution.
Vous ne sauriez vous représenter la puissance et l’intrigue de la coalition : il n’est plus permis de manifester son opinion ; l’ordre d’hier était, à tout factionnaire, de tirer sur tous ceux qui seraient unis au nombre de cinq ou six. Ceux qui, hier au soir, disaient dans les rues que la scène du Champ de Mars était affreuse, étaient colletés et conduits au corps de garde.
Oui, les gardes nationales sont les instruments de l’oppression, les satellites d’un homme abominable ; on peut dire que la contre-révolution est faite à Paris par le gros de l’Assemblée nationale [et la force armée avec Lafayette à la tête[1]].
Le drapeau rouge est arboré à la Maison de Ville ; l’appareil de la guerre est partout contre un peuple sans défense ; nous perdrons bientôt les meilleurs citoyens et les bons écrivains ; on les représente comme des séditieux ; presque toutes les feuilles qui courent les rues sont achetées par la coalition.
Adieu, mon ami ; il faut s’ensevelir dans la retraite et se consoler, s’il est possible, par les vertus privées, des maux affreux dans lesquels on nous plonge ; conservons-y du moins le feu sacré de la Liberté ; tâchons de l’étendre et de le transmettre dans sa pureté à une génération plus heureuse, si nos efforts continués ne lui obtiennent pas plus de succès de nos jours. Il y aurait encore de l’espérance si les départements s’entendent. Mais nous sommes menacés d’un sénat vénitien et d’un roi coalisé avec lui pour la ruine de l’empire et de l’humanité.
Le public n’est plus admis aux séances de l’Assemblée ; elle a fait afficher
- ↑ Les mots que nous mettons entre crochets ont été biffés dans l’autographe, puis rétablis de la main de Henriette Bancal.