Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une part, les fonds de Lt [Lanthenas] sont à dormir en portefeuille, et que, de l’autre, nous touchons pour les nôtres à des époques de renouvellement de billets qu’il faut prévenir ou qui vont nous arrêter ensuite plus que nous ne le voudrions. Les rapports qui nous lient tous trois nous ont fait croire possible et agréable un placement en commun ; l’idée des bons fonds d’Auvergne est venue se joindre aux premières considérations et l’opération nous a paru désirable. Si la connaissance que vous avez des affaires vous fait entrevoir quelque difficulté, soyez franc comme nous et nous éclairez ; s’il n’y en a pas, procédez sans délai, les choses et le moment le requièrent. Quant au domaine de Grand-Pré[1], l’objection du trop d’eau dans un pré ne nous avait point effrayés, car il y a des moyens de remédier à cet inconvénient, et l’on sait que les biens du clergé ont souffert des détériorations que l’intelligence de nouveaux propriétaires doit et peut réparer. La question de savoir si l’acquéreur veut le céder et quel prix il y met ne peut être résolue que par vous, après vous être assuré de la valeur du domaine et du taux auquel des gens sages doivent se fixer. À défaut de cet objet, le choix d’un autre est également remis à vos soins et vous voyez, en conséquence des sommes que nous pourrions fournir et de celles que vous pourriez ajouter, si nous pouvons aller à la totalité de 50,000 écus ; le nec plus ultra pour nous est 60,000 livres. Si l’acquisition se portait sur un bien de particulier, il faudrait qu’il fît d’avance et à l’amiable le rachat des droits seigneuriaux pour profiter du bénéfice de la loi nouvelle et éviter les lods. Ce soin, ainsi que tous ceux relatifs au choix, à la résolution et à l’exécution, est absolument remis à votre sagesse et à votre amitié. D’après cela voyez et jugez, puis agissez ou nous parlez, le tout avec l’ouverture et la franchise qui nous conviennent à tous, le tout avec l’espèce de célérité que demandent les considérations ci-dessus énoncées. J’arriverai à Villefranche jeudi 8 septembre. Donnez-y-moi de vos nouvelles et de celles de cette affaire si vous voyez des moyens de la traiter, parce que cela guidera ma marche sur les arrangements particuliers de nos fonds.

Biauzat est allé hier aux Jacobins[2] ; les hommes de parti, je n’en doute pas, y retourneront tous, quand cela conviendra à leurs vues, afin d’intriguer de nouveau. Aussi j’ai beaucoup regretté la mesure, molle et lâche à mes

  1. Nous ne savons où était ce domaine. Bien probablement en Auvergne.
  2. Voir, Aulard, t. III, p. 109, séance du 31 août : « MM.…, Biauzat, … ont paru à cette séance. » Les Jacobins, si fortement ébranlés après l’affaire du Champ de Mars et la scission des Feuillants, se ressaisissaient et les tranfuges rentraient.