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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1265

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[À BANCAL, À CLERMONT[1].]
9 septembre au soir, 1792, — [de Paris].

Robespierre, Danton, Collot-d’Herbois, Billaut de Varennes et Marat, voilà les députés de Paris actuellement nommés.

On avait fait conduire à Versailles les prisonniers d’Orléans, pour éviter, leur massacre à Paris, n’ayant pu obtenir leur translation à Saumur ; des commissaires allés au-devant deux s’étaient efforcés de rappeler les lois de la justice. Ce matin, ils arrivent à Versailles ; leur escorte fait arrêter les chariots qui les portaient, dans une grande rue ; ils barrent les routes et massacrent tout, sur les voitures mêmes. « Ce n’est pas, ajoutent froidement les tueurs, le dernier coup que nous ayons à faire. »

Cependant Marat signe et affiche tous les jours les plus affreuses dénonciations contre l’Assemblée et le Conseil : vous verrez qu’on immolera l’une et l’autre. Vous ne croirez cela possible qu’après l’action, et vous en gémirez en vain.

Mon ami Dton [Danton] conduit tout ; Robp. [Robespierre] est son mannequin, Mat [Marat] tient sa torche et son poignard ; ce farouche tribun règne et nous ne sommes que des opprimés, en attendant que nous tombions ses victimes.

Si vous connaissiez les affreux détails des expéditions ! Les femmes brutalement violées avant d’être déchirées par ces tigres, les boyaux coupés, portés en rubans, des chairs humaines mangées sanglantes !… Vous connaissez mon enthousiasme pour la Révolution, en bien, j’en ai honte ! Elle est ternie par des scélérats, elle est devenue hideuse ! Dans huit jours… que sais-je ? Il est avilissant de rester en place, et il n’est pas permis de sortir de Paris ; on nous ferme pour nous égorger à l’instant le plus propice. Adieu, faîtes comme Louvet à la Convention, faites-y comme mon mari, si ce peut être encore un honorable moyen de salut ; s’il est trop tard pour nous, du moins sauvez le reste de l’Empire des crimes de ces furieux.

  1. Lettres à Bancal, p. 347 ; — ms. 9534, fol. 183.