Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/127

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le dire, les adoucir plus efficacement, si le plus vif intérêt et la plus grande tendresse sont les meilleurs moyens pour cela ? Tu ne me dis rien de ta santé : elle souffrait, sans doute, quelque altération ; hâte-toi de m’en donner d’autres nouvelles. Je m’attendais bien à cette dernière lettre : je l’envoyai chercher de bonne heure à la poste, afin d’en prendre connaissance avant de conclure les arrangements que j’avais pris sur celle d’hier. Je te dirai d’abord, afin de répondre à ton empressement, que je pars jeudi matin 15, pour Dieppe, avec la seconde de nos amies et que je serai de retour lundi. Cette marche ne dérange rien à la tienne et je suis bien aise, dans tous les cas, d’être de retour ici avant toi, de m’y retrouver toute établie, toute reposée à ton arrivée. Si j’avais consulté le plaisir d’être avec nos deux amies dans la confiance et la liberté, comme j’y suis, si j’avais eu égard à ma paresse naturelle, au mauvais temps, etc., je ne me serai pas déplacée ; mais je suis près de Dieppe, on m’invite à m’y transporter avec beaucoup d’instances, j’ai bien des petites choses à dire à M. Despréaux qui ne feraient qu’un médiocre effet par écrit. Il m’annonça les deux exemplaires des cinq premiers volumes et je n’ai trouvé que les quatre premiers de chacun. Je lui ai mandé cette erreur, je n’en ai pas de réponse ; l’abbé qui remit le paquet en passant n’est point revenu ; je voudrais m’assurer si, dans un cas extrême, tu ne serais pas libre de faire passer ton édition à l’étranger ; je pars, je demeurerai le temps nécessaire et je reviendrai aussi promptement que les voitures publiques me le permettront, lundi, comme je te l’ai déjà dit. L’anglais, auquel je ne puis compter avoir donné que huit jours de travail, souffrira un peu de cette absence ; mais il est impossible de tout accorder. Ces demoiselles ont été singulièrement affectées de la rapidité du temps : je leur avais bien dit que je ne croyais pas rester au delà du mois ; mais elles ne pouvaient imaginer que la fin en fut si prochaine : elles me croient à peine établie chez elles. Je leur dois le témoignage que ces expressions ne sont pas des lèvres et que les jours m’ont paru à moi-même couler très vite, à tout autre égard qu’au tien. Mais tu me manques, l’idée de ta situation me peine et je suis