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ANNÉE 1781.

reusement à rien faire de bien. J’avais fait depuis peu une Épître au docteur ; je l’ai trouvée plate, elle est au feu sans rémission, J’ai toujours besoin de manger, et il m’est très pénible d’en faire les frais, parce que tout me dégoûte ; je suis comme les oiseaux qui recommencent à chaque instant, et je n’en prends guère plus qu’eux à la fois. M. Groam[1], sa matière électrique et ses ouvrages ne sont pas connus de M. Justamont, qui te dit d’ailleurs mille choses honnêtes. Nous n’avons fait encore que repasser les premiers principes et lire un peu ensemble ; je lis beaucoup dans mon particulier ; j’ai d’aujourd’hui un ouvrage plus difficile que les précédents ; nous nous mettrions incessamment à la poésie, si je ne m’absentais pas. Je fais de mon mieux, je n’en sais guère par comparaison à ce qui me reste à apprendre ; mais je serai fort en état de travailler seule.

M. d’Ornay vient de m’interrompre, c’est pour la seconde visite ; je lui en rendrai une demain, afin de ne point m’en aller sans lui faire cette honnêteté ; mais, en vérité, les jours fuient comme l’ombre, à peine a-t-on le temps de se reconnaître.

M. Le Monnier est revenu l’un de ces soirs ; il ne m’a point apporté les vues, parce qu’il attend quelqu’un à qui il a promis de les montrer ; il m’en a fait des excuses que j’ai agréées aussi honnêtement qu’elles étaient présentées.

Écris-moi, mon ami, que je trouve ta lettre en arrivant ici. Je t’aime et t’embrasse bien tendrement. J’entends notre maître d’anglais : je dis notre, car les amies veulent apprendre aussi. Addio, idol mio, sia contento ; aspetto una lettera che ti faccia vedere ad io più lieto ; non sai quanto mi fa il essere tuo mesto ! Venga dalla tua arnica che t’apre il suo seno ; addio !

Je t’écrirai un mot en arrivant à Dieppe, pour t’informer du voyage. Mille choses à tes voisins, etc.

  1. Sic.Il s’agit évidemment de ce « docteur Graham, si fameux par son lit électrique, par ses bains de terre, par son pythagoréisme, etc., » dont parle longuement Brissot dans ses Mémoires(II, p. 233 et suiv.).