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maintenant au gouvernail, vous n’échapperiez point au reproche de l’abandonner aux flots, si vous ne saviez le diriger d’une main ferme, et à la honte d’y être demeuré sans pouvoir le maintenir.

Les factions passent, la justice seule demeure ; et de tous les défauts de l’homme en place, la faiblesse est celui qu’on lui pardonne le moins, parce qu’elle est la source des plus grands désordres, surtout dans les temps d’orage.

Je n’ai pas besoin de rien ajouter à ces réflexions si elles vous parviennent à temps pour vous et pour moi-même, ni d’en presser l’application à ce qui me concerne, car rien ne peut suppléer la volonté et le courage.


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AU DÉPUTÉ DULAURE,
auteur du thérmomètre du jour[1].
Le 9 juin an second de la République [1793], — de la prison de l’Abbaye.

Si quelque chose pouvait étonner encore l’innocence lorsqu’elle se trouve déjà sous le joug de l’oppression, je vous dirais, citoyen, que je viens de lire avec la plus grande surprise les absurdités consignées dans votre numéro du jour, sous le titre d’Interrogatoire de Philippe d’Orléans, que le hasard m’a fait tomber entre les mains. Il serait fort étrange, si l’expérience n’avait prouvé

  1. Bosc, I, 32 ; Faugère, I, 49 ; — Ms. des Mémoires, fol. 32 ; ms. 9533, fol. 290-291, copie. À cette copie, faite sur l’original avec un soin particulier, sont jointes des annotation intéressantes de Dulaure, que nous reproduisons.

    Il est probable que c’est Dulaure, dont Bosc demeura toujours l’ami, qui lui donna cette pièce pour son édition de 1795 ; de Bosc elle aurait passé à Barrière, et de là dans les ventes, où nous la voyons figurer dès 1885 (no 413 de la vente faure par J. Charavay, le 5 février 1855 et jours suivants, collection Amant, l’acteur).

    Voir Mémoires, I, 49 : « J’écrivis à Dulaure, rédacteur du Thermomètre du jour, homme estimable, que j’ai vu jusqu’au moment où la Montagne le séduisit ». Et en note : « J’ai appris depuis que les derniers excès de la Montagne l’avaient éclairé et ramené ».

    Nous avon marqué, dans l’Avertissement de l’année 1792, l’origine des rapports de Dulaure avec les Roland. On va voir qu’en juin 1793 il fut un de leurs rares fidèles. Oublié dans la proscription du 3 octobre suivant, il fut décrété d’accusation le 20 octobre, mais il avait déjà pu fuir.