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il ajoute en note : « Roland avait reçu asile à Rouen, chez les dames Malortie, qu’il avait connues pendant un long séjour qu’il avait fait à Rouen dans sa jeunesse. Il avait même dû épouser une sœur de ces dames ; mais elle mourut, et Roland consacra quelques pages allégoriques à l’expression de la douleur qu’il éprouva de sa perte ». Et ailleurs (II, 239) il nous apprend que Madame Roland « vint passer un mois chez les dames Malortie, en 1781, un an après son mariage ».

M. Léon Fallue, dans un article de la Revue de Rouen[1], en 1852, avait déjà parlé des demoiselles Malortie, avec quelques précisions de plus : « Les demoiselles de Malortie, anciennes chanoinesses, qui habitaient, dans la rue aux Ours, la partie de la maison portant aujourd’hui le n° 15… ».

Nous sommes en état de compléter, dans une assez large mesure, ces trop brèves indications :

Le père des demoiselles Malortie, demeurant rue aux Ours, procureur en l’Élection de Rouen, était en même temps agent et receveur général du chapitre de la cathédrale (Arch. de la Seine-Infér., G 2420, 2452 et 2455[2] ; — Alm. de Normandie, 1768). Nous n’avons pu remonter plus haut que cette dernière date. En 1777, Malortie a disparu (Tableau de Rouen, 1777, chapitre de Notre-Dame). Il est remplacé par un nommé Lefebvre, ou Le Febvre de Malortie, qui n’était encore en 1768 que procureur postulant, et que nous présumons avoir été son gendre. Ce Lefebvre, à son tour, disparaît quelques années après ; à l’Almanach de Normandie de 1788, c’est un nommé Le Gris qui est l’agent du chapitre.

Mais il semble que Mme  et Mlle  Malortie aient été associées à la gestion de Malortie et de Lefebvre ou qu’elles l’aient continuée. L’indication tirée des Archives de la Seine-Inférieure citée plus haut dit : « Comptes rendus par MM. Malortie et Lefebvre, Mme  et Mlles Malortie, comme chargés de la recette générale du chapitre… ».

Une autre pièce citée par M. Clérembray, au sujet des demoiselles Malortie, confirme ces données : « Le 12 août 1791 était intervenu un arrêté du département, en leur faveur, sur leur requête sollicitant une gratification pour avoir administré pendant cinquante ans les revenus du chapitre de la cathédrale, lequel arrêté les renvoie à se pourvoir devant l’Assemblée nationale ». Ainsi la gestion de la famille Malortie remontait à 1741.

C’est probablement en raison de cette charge que ceux qui les connurent dans leur extrême vieillesse leur donnèrent le titre de chanoinesses. Il y avait bien, à la cathédrale de Rouen, un chapitre de chanoinesses. (Voir Hist. de l’Église cathédrale de Rouen, 1686, par dom Pommeraye, p. 561 ; — cf. France ecclésiastique de 1786, p. 248.) Il se composait de trente prébendes, conférées par l’archevêque à des filles ou veuves, qu’on appelait diaconesses ou chanoinesses. La charge était des plus légères (assister à trois obits dans l’an) ; le revenu était en conséquence : cinq livres par tête en 1738 et dix-huit livres de casuel.

  1. Rev. de Rouen, 1852, p. 81-86 « La sépulture du ministre Roland ». — M. Fallue avait probablement pris ces indications dans un manuscrit de la Bibl. municipale de Rouen, de M. de La Querrière, intitulé « La Révolution à Rouen ». On y lit (p. 145-147) que Roland, en 1793, trouva un asile à Rouen, chez « les demoiselles Malorties, femmes d’esprit. Elles demeuraient dans la rue aux Ours, à la partie numérotée 15… ».
  2. Citées par F. Clérembray, « La Terreur à Rouens », dans La Normandie de décembre 1898.