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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1503

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(cf. lettre 112). L’embarras était d’autant plus grand que la sœur aînée, Mme de Boinville intervenait aigrement pour réclamer sa part de la pauvre succession. Finalement, Bosc paraît avoir amené ses deux sœurs et son frère à renoncer à un héritage onéreux, mais en prenant pour lui la plus grosse part des sacrifices : « Je devrais, je crois, plutôt me plaindre que toi, écrivait-il à Mme de Boinville le 20 décembre 1784, puisque tu as une existence assurée et que je n’ai qu’un hôpital pour ressource, si je viens a perdre mes mains ou ma tête » (Coll. Beljame.)

Il ne s’en considéra pas moins, dès le premier jour, comme le tuteur de Sophie. Sa première idée fut de la placer dans un de ces couvents ou s’abritaient des personnes du monde peu aisées, et nous voyons Madame Roland l’aider dans cette recherche (lettres 112 et 113). Mais il eût mieux aimé la marier, et il demandait à son amie de s’entremettre (lettre 138). Sophie d’Antic reparaît encore de loin en loin dans la Correspondance (lettres 165,178). En 1787, elle était à Dijon, auprès de son frère Joseph, qui avait quitté le Creusot pour un emploi dans l’administration des mines et manufactures de la province (Biogr. Rabbe). Elle se maria en 1794, à Langres, avec M. Dehérain, et Bosc, alors réduit à se cacher comme suspect, écrivait à son nouveau beau-frère (coll. Beljame) :


Paris, 27 messidor an ii (15 juillet 1794).

Je pourrais, citoyen… répondre longuement à votre gracieuse lettre. Le sujet prête beaucoup au sentiment. Je préfère cependant d’en remettre l’expression au moment où il me sera permis de vous embrasser. La bonne opinion que j’ai de ma sœur suffit pour m’en donner une avantageuse des moyens que vous avez pour la rendre heureuse. Je me borne donc à faire des vœux pour qu’aucune cause étrangère ne nuise à votre prospérité commune et à désirer d’être, le plus promptement possible, témoin des douceurs de votre union.

Je vous salue et vous embrasse fraternellement. B


§ 6. Madame Roland à Paris, mars-mai 1784.

C’est au milieu des malheurs domestiques de Bosc que Madame Roland arriva à Paris, vers le milieu de mars 1784, pour y suivre elle-même l’affaire des lettres de noblesse que sollicitait son mari. Durant ce long séjour, qui se prolongea jusqu’à la fin de mai. Bosc, après les premiers jours donnés à son deuil, se mit tout entier au service de la jeune femme ; il l’accompagne dans ses courses d’affaire, la conduit chez Romé de l’Isle, le mène promener au Jardin du Roi, au bois de Boulogne, où ils vont avec Lanthenas manger des œufs frais et « chanter les bonnes gens » ; à Chaillot, pour voir la pompe à feu, la nouveauté du jour  ; à Vincennes, chez le chanoine Bimont, oncle de Madame Roland ; à Alfort, chez les savants professeurs de l’École vétérinaire, etc… Nous ne pouvons que renvoyer à la Correspondance pour qu’on voie Bosc dans tous les détails de ce rôle de cavalier servant, qu’il partage avec Lanthenas et dont Roland plaisante lui-même avec autant de lourdeur que de sécurité. Singuliers rapports, que nos mœurs contemporaines suspecteraient ou ne comprendraient pas, mais dont ces âmes simples s’accommodaient sans embarras. C’est, chez Madame Roland, une amitié franche, sans coquetterie, mais non sans libre allure ; chez Bosc, un mélange amusant d’affection loyale, d’amour qui n’ose, de familiarités, de bouderies ; tel il apparaît