Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1518

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lorsque l’enfant est devenu jeune homme et peut les recevoir. Plus tard, sous le Consulat, il use du peu de crédit qui lui reste pour faire accorder des bourses dans les lycées à ce même fils de Barbaroux et au fils de Guadet. Il s’occupe du fils de Louvet. La collection Beljame, les Papiers Roland (ms. 9532-9534) contiennent de nombreuses marques de cette incessante activité ou service des familles de ses illustres amis, et complètent les renseignements divers recueillis déjà par M. Vatel et dispersés dans le livre si curieux, mais si confus que cet érudit a publié sur Charlotte de Corday et les Girondins.

Rentré à Paris, Bosc liquida un passé douloureux en faisant remettre à Eudora Roland, devenue Mme Pierre-Léon Champagneux, le manuscrit des Mémoires de sa mère, puis se maria avec sa cousine Suzanne Bosc, de Pierre-Ségade, le 9 avril 1799. D’autre part, après avoir vécu quelques années de modestes et obscurs emplois administratifs, la protection de Cuvier et de Chaptal le fit nommer inspecteur des pépinières, situation qui lui permit, avec l’appoint, longtemps nécessaire, de divers travaux de librairie, d’élever honorablement sa nombreuse famille (il eut six enfants). Alors commença pour lui une vie paisible, tout entière consacrée à son intérieur, à ses fonctions, à son labeur scientifique que couronna, le 11 août 1806, son élection à l’institut. Sur ce fond tranquille et monotone, nous ne voyons se détacher que deux incidents :

« En 1814, dit la Biographie Rabbe, pendant le séjour des souverains alliés à Paris, l’empereur Alexandre voulut entretenir un homme dont la vie avait été consacrée à l’étude d’une science qui, en fécondant les terres, enrichit les États. Il passa une soirée entière chez M. Bosc. L’empereur d’Autriche, François II, eut à la même époque une conversation de plusieurs heures avec lui sur les sciences naturelles et désira lui laisser un honorable témoignage de son estime. » Si le savant ne put refuser l’honneur embarrassant de ces visites, que dut penser, en remontant dans ses lointains souvenirs, le Jacobin enthousiaste de 1791, le collaborateur de Brissot ?

Quatre ans après, Monge, radié de l’Institut par la seconde Restauration, mourait le 28 juillet 1818. Une autorité ombrageuse avait refusé toute pompe officielle à ses obsèques ; mais deux membres de l’Académie des sciences, Hasard et Bosc, « feignirent d’oublier que Monge avait été destitué, qu’il n’était plus leur confrère, et se joignirent an Cortège en costume de membre de l’Institut » (Arago, Biographie de Monge, p. 151). Le ministère Decazes n’en tint pas rigueur au courageux savant, puisque précisément l’année suivante il le décora et le fit inspecteur général. Mais Bosc avait prouvé qu’il ne reniait rien de son passé.

Quelques lettres de la collection Beljame nous le montrent resté en correspondance avec Bancal, Dulaure, La Revellière, et le ton d’affectueuse confiance qui règne dans ces lettres fait assez voir qu’entre ces hommes qui avaient été soulevés par les mêmes espérances, mis à l’épreuve des mêmes périls, subsistait la religion des souvenirs. Parmi ces souvenirs, les plus chers au cœur de Bosc c’étaient l’ermitage de Sainte-Radegonde et la mémoire de Madame Roland. Lorsqu’il perdit en 1801 son premier enfant, il voulut que Bancal lui vendit deux arpents de son coin de forêt pour y déposer ses restes, et il y a là un funèbre enclos qui est encore le cimetière de la famille. Quand Barrière entreprit, en 1820, de donner une édition des Mémoires de Madame Roland, c’est auprès de Bosc qu’il alla se documenter.