Nous ne nous étendrons pas sur le reste de la vie de Lanthenas. Il se trouvait plus isolé que jamais : Bancal était, depuis le 1er avril, prisonnier des Autrichiens, auxquels l’avait livré Dumouriez ; Roland fugitif, Brissot à l’Abbaye, Madame Roland à Sainte-Pélagie ; Bosc ne le connaissait plus. Ceux de ses compagnons de lutte qu’avait épargnés le 2 juin étaient décrétés d’arrestation le 3 octobre, et lui-même, éliminé le 6 octobre du Comité d’instruction publique, où il avait cru trouver un refuge, n’avait plus qu’à se faire oublier. En septembre-octobre, comme pour faire son testament politique, il rassemble en un premier volume ses Écrits et Discours[1] ; en décembre, il donne une traduction d’un autre ouvrage de Thomas Paine. Le Siècle de la Raison. Au printemps de 1794, il se retire à la campagne. Il ne reparaît qu’après la chute de Robespierre. Il se remet alors à écrire et à prêcher sa morale républicaine, mais à prêcher dans le vide. Il se plaint amèrement de n’être écouté de personne[2].
La publication des Mémoires de Madame Roland par Bosc (avril-juin 1795) dut éveiller dans son âme de tristes pensées, d’autant plus que Bosc, dans une note de son Avertissement, avait eu pour lui un mot très dur dans sa simplicité. En annonçant qu’il publierait la correspondance de Madame Roland et en regrettant de n’y pouvoir faire entrer « quelques lettres d’un très grand intérêt », qu’il ne retrouvait pas, il ajoutait : « Il est possible que plusieurs soient restées entre les mains de Lanthenas, avec qui cette correspondance était fréquemment commune. Il y mettait alors, et avec raison, une fort grande importance, mais aujourd’hui !… ».
Ce doux et poignant reproche (Bosc avait d’ailleurs atténué les passages des Mémoires concernant Lanthenas) alla à son adresse, comme on va le voir.
Le 25 floréal an iii — 14 mai 1795, quelques semaines après la publication de Bosc. Lanthenas faisait paraître :
« nouvelle déclaration de la morale républicaine ou des devoirs de l’homme et du citoyen, — objet constitutionnel, — et projet de loi pour la promulguer et lier par elle les opinions religieuses et les cultes au soutien de la république ; par F. Lanthenas, membre de la représentation nationale ; — suite aux moyens qu’il a proposés de vaincre les obstacles à la République et de l’organiser, – à Paris, chez Maret, libraire, au jardin de l’Égalité ; » 121 p. in-8o (Mais si l’avant-propos est daté du 25 floréal — 14 mai, les dernières pages n’ont été écrites qu’après le 8 prairial — 27 mai.)
On y retrouve toutes les idées confuses de Lanthenas ; mais ce qui frappe le plus, c’est évidemment qu’il est hanté, depuis le livre de Bosc, par le souvenir des Roland. Les pages 9-12 ne sont qu’un long cri de regrets. Il affirme que les diverses publications dans lesquelles, de juin à octobre 1793, il avait cherché comme un refuge, avaient pour objet