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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1615

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« À elle demandé s’il était à sa connaissance que Lecocq ait déchiré une affiche et quelle était cette affiche [celle de la Constitution de 1793, d’après l’accusation],

« A répondu qu’elle ne l’a point vu, mais quelle l’a su, que cette affiche était de Gorsas et que Lecocq l’avait déchirée par un mouvement d’indignation contre cet homme, mort alors sous le glaive de la loi [7 octobre].

« À elle demandé si, vers l’époque du 31 mai, la femme Roland ce l’a pas chargée de porter quelques paquets ou papiers quelque part, et où ?

« A répondu que non, qu’elle n’avait jamais été chargée que de sa cuisine et n’était nullement dans la confidence de sa maîtresse.

« À elle demandé si elle n’a pas dit, le jour de la mort de la femme Roland, « qu’elle avait été condamnée injustement, mais que l’on verrait ».

« A répondu qu’ayant demeuré treize ans chez la femme Roland, il était naturel qu’elle fût affligée de sa mort ; qu’elle a pu dire en pleurant, en présence des citoyennes Lamarre et Dorigny, demeurantes dans la maison, que si on avait fait périr la femme Roland justement ou injustement, elle, répondante, devait être payée justement ; qu’il lui était dû, comme elle l’a ci-devant déclaré, « mille livres, dont elle a billet », et qu’elle a craint de perdre le fruit de treize ans de travail, d’économie et de bonne conduite ; que, dans cette position, elle avait peu la tête à elle et ne peut guère répondre de ce qu’elle a dit alors. »

M. Wallon (Trib. rév., IV, 76) trouve que c’est là une « piteuse raison ». S’il eût cité tout l’interrogatoire, il eût rendu plus de justice à la pauvre créature qui, dans sa détresse, ne laisse pas échapper un mot qui désavoue ses maîtres ou compromette leurs amis. Nous admettons d’ailleurs avec lui, — et un témoignage de Champagneux, qu’on lira plus loin, confirme cette manière de voir, — que l’attitude volontairement effacée de la servante picarde ait contribué à la sauver.

Le juge lui donna pour défenseur d’office le citoyen Guyot. C’était déjà lui qui, le 8 novembre, avait été « nommé d’office, par le tribunal, conseil et défenseur officieux » de Madame Roland[1], — après avoir été aussi celui de Charlotte Corday.

Lecocq, interrogé le même jour par le juge Harny, prit également Guyot pour défenseur.

Le 3 décembre, Fleury écrit de la Conciergerie pour demander qu’on hâte son procès :


Citoyen magistrat.

La citoyenne Marie-Marguerite Fleury, ci-devant cuisinière de l’ex-ministre Roland, native d’Amiens en Picardie, ayant été interrogée le 7 frimaire, vieux style 28 [27] novembre dernier,

À l’honneur de vous représenter que ses intérêts souffrent beaucoup de sa détention, ayant à se faire payer d’une partie de ses gages et d’argent déboursé sur la succession Roland, et, de plus, procéder aux moyens d’obtenir ses hardes et linges qui sont sous les scellés apposés sur les effets dudit Roland à plus de cent lieues d’ici [au Clos].

  1. Au dossier de Madame Roland, il y a « Guillot » ; à celui de Fleury, « Guyot ». Nous croyons bien qu’il s’agit du même « homme de loi », et nous nous demandons si ce ne serait pas Guyot-Desherbiers, avocat à Paris depuis 1783, qui fut oncle d’Alfred de Musset.