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où l’orpheline va se faire remettre en possession de ses héritages (juillet-octobre 1795). Puis lorsque Bosc, à la fin de novembre, envoie sa pupille à Rouen, Fleury la suit également. On voit, par la correspondance échangée entre Champagneux et Bosc, en juillet 1796, que la servante fidèle avait pris sur la jeune fille un empire qui ne leur plaisait guère. Champagneux, prenant possession de la tutelle, écrit à Bosc, déjà sur la route de l’exil (lettre du 27 juillet, coll. Beljame) : « Eudora m’ayant écrit il y a quelques jours, mon bon ami, qu’elle se proposait d’aller faire les vendanges à Theizé [c’est-à-dire au Clos] avec sa bonne et la citoyenne Malortie, je lui répondis que je n’approuvais pas ce voyage, à cause de la dépense. Quant à la bonne, je marquai qu’il conviendrait qu’elle se rendit sur-le-champ au Clos, que ses soins y seraient très utiles ». Bosc, de son côté, répond à Champagneux, de Bordeaux (9 août), en parlant d’un des prétendants qui lui disputent le cœur de sa pupille[1] : « C’était probablement le protégé de la bonne, qui va vous haïr pour votre refus »… Et un peu plus loin : « Dites-moi donc si la bonne a consenti à aller au Clos ? »…

On voit que les deux tuteurs comptaient plus sur la fidélité et la probité de Fleury, puisqu’ils voulaient l’envoyer surveiller le domaine du Clos, que sur la sûreté de ses conseils à sa jeune maîtresse.

En décembre 1796, Eudora Roland épousait un des fils de Champagneux et allait s’établir au Clos, où Fleury continua à vivre auprès d’elle : « Aujourd’hui, écrivait Champagneux en juillet 1799 (Disc, prél., p. lxxviii), elle est auprès de la fille de la citoyenne Roland. Le temps n’a apaisé la douleur ni de l’une ni de l’autre… ».

M. Faugère dit aussi (Mém. II, 263, note 2) : « La bonne Fleury a passé le reste de sa vie entourée d’égards et de soins, et elle est morte au Clos, où des étrangers, émus par le souvenir que Madame Roland lui a consacré, sont venus plus d’une fois la visiter ».

Cela n’est pas tout à fait exact, nons dit une petite-fille d’Eudora Roland. Marie-Marguerite Fleury a, en effet, à partir de 1796, passé au Clos presque tout le reste de sa vie, honorée par ses maitres, respectée et un peu redoutée des enfants à cause de son humeur, que l’âge n’adoucissait pas, et c’est alors que M. Faugère a dû l’y voir. Mais vers la fin, quand elle fut devenue trop peu maniable, on la décida, non sans quelque peine, à se laisser placer comme pensionnaire dans un couvent, séjour quelle goûta peu (comme une fiUe du XVIIIe siècle), mais auquel elle finit par se faire. Elle y mourut, fort âgée, à une date que nous ne pouvons préciser.

  1. Ms. 6241, fol. 309-301.