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régime a été triste ; la pauvre petite me voulait, et ses cris m’ont déchirée. Si tu m’apportes un couvert pour elle, aie soin de le prendre très petit. J’ai vu notre bon frère de Crespy, il est arrivé d’hier et part aujourd’hui.

Adieu, tendre ami, je suis toute à toi.


26

À ROLAND, À PARIS[1].
Dimanche, 23 décembre 1781, — [timbre d’Amiens. ]

Eh bien ! cher ami, après cette retraite de trois semaines[2] où tu m’as fait si bonne et si douce compagnie, te voilà rejeté dans le tourbillon des affaires ; puissent les nôtres te donner moins de contrariété ! Je compte au moins, bien sûrement, ne plus te faire revenir avec tant de tristesse et de précipitation ; mais, sur toute chose, vois ton Esculape et aie soin de ta santé. Je ménage la mienne comme pour toi ; n’est-ce pas tout dire ? J’ai passé hier une seconde journée sans colique ; j’ai

  1. Ms. 6238, fol. 159-160.
  2. En recevant les lettres précédentes, Roland avait écrit aussitôt, 1er décembre (ms. 6240, fol. 111-112) : « Tu me caches ton état, mon amie ; ta lettre d’hier semblerait annoncer du mieux ; mais tu as mandé à Agathe [la vieille amie, sœur Saint-Agathe, des Dames Augustines de la Congrégation] que tu avais été saignée, que tu avais une dysenterie affreuse, et je ne viens que d’en être informé à cinq heure du soir. J’ai cherché partout une voiture pour partir sur-le-champ en poste ; je n’ai pu en trouver. J’avais déjà écrit à deux ou trois personnes pour leur mander mon départ. Si ma santé me le permettait, je partirais à pied ; mais le mystère que tu me fais, à moi, mon amie, avec un air de confiance, me déchire l’âme et m’accable. Sur quoi et sur qui veux-tu que je compte désormais ? Je n’ai de confiance en ton état que sur ce que tu me dis du départ de mon frère, car je le crois trop vrai pour penser qu’il se fût concerté avec toi et ceux qui t’entourent pour me tromper et être reparti si tu étais en danger. Suivant les lettres de demain, de quelque manière que ce soit, je partirai, je ne me consolerai jamais d’être le dernier instruit de ce que tu sens. Je t’embrasse avec un cœur navré. » Roland arriva en effet presque aussitôt et resta auprès de sa femme jusqu’au vendredi 21 décembre, où, la convalescence paraissant assuré, il repartit pour paris (voir ms. 6240, fol. 147-148, lettre de Roland du 23 décembre 1781).