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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/337

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encore moins pour mes amis. D’après ce principe, bien posé, il ne reste plus qu’à venir au fait ; c’est ce que j’éloignerais bien encore jusqu’à la fin de la quatrième page, pour vous faire pièce et m’amuser, si la fantaisie ne devait le céder à la raison. Cette dame-là n’est point d’un service aisé. Quoi qu’il en soit de la réflexion, que vous prendrez pour une boutade, vous saurez que M. Maille, quincaillier, me des Lombards, fait commerce de ce chiendent fameux, ou prétendu tel, qui a exercé tant de docteurs, vous compris ; chiendent que les vergetiers emploient[1], et dont moi, ignorante, je me sers fort bien sans discuter sur sa nature. Mais il faut de la pâture pour tous les estomacs ; et l’on est si fort habitué à chercher la science dans les dictionnaires, que ce serait faire crier anathème que de n’en point mettre dans un ouvrage de ce genre, où cependant il n’y en a pas toujours. Vous voudrez donc bien voir M. Maille et, sachant en philosophe tirer instruction des moindres choses, vous éclairer avec un marchand. Vous lui demanderez d’où il tire cette marchandise, ce qu’il pense de sa nature, des préparations qu’elle peut avoir subies, etc., etc… Vous n’avez pas besoin qu’on vous fasse votre leçon, et vous n’êtes certainement pas de ceux que le poète Saadï dit ne savoir même s’enquérir : en quoi je ne prétends pas vous faire compliment, mais exprimer un fait qui se trouve au bout de ma plume.

Il me semble qu’il y a déjà deux ou trois grands jours que nous n’avons eu de vous ce qu’on appelle une lettre. Nous désirerions savoir aussi si vous avez reçu cet Art du tourbier ; l’empressement de l’auteur serait bien mal secondé, si l’ouvrage ne vous avait pas été remis mercredi dernier ; c’est à vous que la première expédition en a été faite.

Nous avons été très occupés ces deux jours à travailler, labourer, semer notre petit jardin ; nous y voulons des fleurs, non des belles, suivant l’idée commune, mais d’intéressantes pour des yeux, de botanistes. Ah ! nous faisons de belles choses !

Adieu ; il est beaucoup plus tard que je ne croyais.

  1. Voir le post-scriptum de Bosc à la lettre du 2 février 1783