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J’oubliais de dire que l’abbé Villin attribuait la beauté de nos pannes à la vivacité des eaux de la Somme pour la teinture du poil de chèvre ; je crois cela bien faux. Mme  Guérard[1] est bien malade de la fièvre ; Flesselles a perdu sa tante et m’envoie le billet ci-joint.

Je travaille au plan depuis trois jours et je n’ai qu’une page d’ouvrage ; le temps se passe à rêver ; je n’ai su tracer un arbre généalogique[2], c’est trop difficile. Adieu, je t’embrasse de tout mon cœur.


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[À ROLAND, À PARIS[3].]
19 [août 1783], après souper. — [d’Amiens].

Je m’étais fait une loi d’aller digérer avec mon clavecin ; mais je trouve aujourd’hui qu’il me fait mal au dos, le mouvement de mes doigts semble répondre entre mes épaules, et, quelque mal qu’on dise de l’occupation d’écrire pour l’estomac, je la trouve meilleure dans ce moment. Assurément, dans la proscription que les préceptes d’hygiène ont fait (sic) de l’usage de la plume, les lettres à un mari n’ont jamais été comprises.

Je ne t’ai pas écrit ce matin, malgré la réception de tes jolis détails ; je m’étais levée tard, j’avais beaucoup de soins de ménage, j’attendais ma petite pensionnaire et je voulais travailler. Je suis seule avec ma fidèle[4], et sans cuisinière. La dernière, sur une lettre de son pays où l’appelle la maladie d’une tante, et voyant d’ailleurs que j’avais de graves sujets de mécontentement dont il ne pourrait résulter rien de bon, m’a dit sans façon qu’elle partait aujourd’hui et que je prisse quelqu’un à son compte pour le temps de son absence ; à quoi j’ai répondu que ce n’était pas assez qu’elle partît, mais qu’il fallait qu’elle

  1. Mme  Guérard, sœur aînée de Henriette et de Sophie Cannet. Madame Roland la connaisait depui 1776. — Voir Append. A.
  2. Le « Tableau synoptique des manufactures et arts ». — Voir lettre du 19 août 1783.
  3. Ms. 6238, fol. 255-256.
  4. Marguerite Fleury.