Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans l’espace d’une heure que je suis sortie hier avec Eudora, Mme  Le Riche est venue ; j’ai été très fâchée de ne l’avoîr pas vue : peut-être, à raison de son départ, passerai-je demain chez elle en m’en allant dîner. Les longueurs de l’affaire font mal augurer ici des suites pour son mari, mais cela n’est pas autrement fondé ; j’ai bien envie qu’il y ait une fin et qu’elle doit bonne pour eux.

Mon Eudora est fortement menée d’un dévoiemment ; elle a fait une grosse dent, percée d’aujourd’hui ; sa gaieté, son activité du moins, n’en souffrent pas ; seulement elle recherche davantage les caresses, les petits soins, comme par le besoin né de quelque affaiblissement.

Le plan va son train et sera, je crois, fait demain ; fait, sauf tes corrections, bien entendu. Je n’ai vu personne aujourd’hui de chez M. d’Eu que des feuilles périodiques ; je n’ai pu envoyer chez Flesselles, je suis en peine de sa fillee. On a écrit pour la pension de Mme  Audoi[1], mais c’est une femme à tant d’ambages dans ses écrits, qu’on n’espère guère de réponse claire qu’à son voyage ici le mois prochain.

On vient me prêcher pour me coucher, cela n’est pas sans raison ; ainsi bonsoir. Puisses-tu avoir une nuit aussi douce que mon cœur te la souhaite ! Je t’embrasse tendrement.

Bonjour au trio d’amis, salut du cœur et souhaits heureux ; je ferme ma lettre sans attendre le courrier, parce que je vais sortir de bonne heure. Tu sauras que la Cléobuline de Sélis était une demoiselle Morgan, fille de l’avocat[2], morte, il y a deux ans au plus, en lan-

  1. Audoy, originaire d’Amiens, était procureur au Parlement de Paris, rue Saint-Bon, et était chargé des affaires de sa ville natale (Inv. d’Amiens, AA. 25, p. 9, et Alm. royal de 1763). Il mourut en 1776, et nous trouvons, à l’Inventaire d’Amiens (I, AA. 32, fol. 39), une lettre de sa veuve, du 31 octobre 1766, aux maire et échevins d’Amiens, les priant de continuer leur clientèle au successeur de son mari. — Il semble résulter de la lettre de Madame Roland que Mme  d’Audoy avait ouvert, pour vivre, une pension de demoiselles. — C’était une cousine des demoiselle Cannet (lettre du 30 octobre 1778). Elle demeurait rue Saint-Bon (lettre du 5 décembre 1775), ce qui établit bien l’identité de cette cousine avec la veuve du procureur, bien que les éditeurs des Lettres Cannet aient imprimé « Audoin » en cet endroit.
  2. Sur l’avocat Jean-Baptiste-François Morgan, voir Inventaire de la Somme, passim, mais particulièrement C. 1546 :: « Mémoire de l’Intendant au Contrôleur général (15 oct-