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[À LANTHENAS, À PARIS[1].]
4 avril [1784], à 2 heures, — de Versailles.

Je ne puis retourner à Paris ce soir, cher frère ; je veux du moins que ce billet vous porte mes regrets. Je compte m’y rendre demain pour dîner et vous prie de faire prendre chez Moutard, par Visse, deux exemplaires de l’Art du fabricant d’étoffes rases ; autant de celui de l’Impression des étoffes ; autant de celui des Velours de coton, en spécifiant que l’introduction soit à ce dernier, et disant que c’est pour la province où on le veut ainsi.

Je suis fort en peine de ma fidèle bonne, et, en vérité, je suis fâchée de ne l’avoir point amenée ; ce n’est pas qu’elle ne se fût aussi bien ennuyée ici ; mais je l’y aurais vue, et cela m’aurait fait plaisir. Il m’en ferait beaucoup que vous écrivissiez un mot à mon ami pour qu’il ne fût pas deux jours sans avoir de mes nouvelles. Vous lui diriez qde je [me] porte bien et beaucoup mieux que nos affaires, qui sont fort embrouillées. Je suis comme les plaideurs, qui sont par moments dans l’extase des plus belles espérances et qui reconnaissent ne rien tenir l’instant d’après.

Comment va la famille d’Antic ? En vérité, leur état presse plus mon cœur que mes affaires, qui ne préoccupent vivement que ma tête.

Mais n’est-il pas admirable de vous faire des questions auxquelles vous ne pourrez me répondre qu’à mon retour ? Adieu, mon bon frère, dites bien à ma fidèle qu’elle soit bien tranquille ; qu’elle se repose bien et se porte de même, et que je lui promets de l’embrasser demain. Pour vous, je le fais dès à présent, et de tout mon cœur.

  1. Ms. 6239, fol. 24-25.