Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/453

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et il en fait gloire ; il est capable d’agir en faveur, parce qu’il est autant pénétré du bien qu’il avoue que du mal qu’il reproche. Je me souviens que M. de Mt [Montaran], adoucissant ce que je lui rappelais de sa lettre, disait que tout cela signifiait que tu étais fait pour la première place et que tu n’étais pas propre pour la tienne. À M. Bld. [Blondel], qui me faisait tant et tant d’observations sur la nécessité de se plier aux circonstances, d’être ménagé dans la forme pour n’indisposer personne, etc., je disais que je savais bien que, dans le monde comme au théâtre, on trouvait plus commode le savoir-vivre d’un Philinte que la vertu d’un Alceste ; mais que celui-ci n’avait jamais, aux yeux de qui que ce fût, mérité d’être puni de son austérité, et que tu l’étais de la tienne. Je ne sais trop si j’ai été entendue : dans le cas de la négative, il pourrait bien me reprocher, comme à toi, une tête romanesque, ridicule quand on a plus de vingt ans.

Je ne me porte point mal, mais je suis ruinée de fiacres ces derniers jours où je n’ai pu m’en passer. Sera-ce mon dernier voyage à Versailles ? Ainsi soit-il !

Je compte partir avec Flesselles qui m’est venue voir hier avec Mart[1]. Ils ont eu la visite de M. d’Agay et de sa famille ; tout cela est enchanté de la machine ; mais M. de Calonne promettant de venir la voir n’a pas encore pu le faire. Penses-tu qu’avant de quitter ce pays je dusse voir M. d’Agay ? Est-il probable qu’il n’entende pas parler de mon voyage et même de son objet ? Car je crois que Bld. [Blondel] le voit. Mlle de la B. [Belouze] parait avoir sur le cœur que je n’aille pas voir la petite comtesse : cela lui piraît une politesse toute simple qu’il est étrange de ne pas faire ; elle ne me dit pas tout cela, au moins, mais je l’entends à merveille. Ton avis, et alors je verrai en revenant de Versailles, c’est-à-dire quand j’en serai revenue.

J’ai reçu des nouvelles des deux Bénédictins, du Crépysois à son arrivée chez lui, et de l’autre à son départ. Tu as bien du mal avec le poussin pour le faire propre ; ce n’est pas une petite affaire, en soi

  1. Martin, l’associé de Flesselles.