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à ma vue ! En vérité, je ne vis plus ici et je commence d’y étouffer.

À l’istant ; le bon frère m’apporte ton paquet avec les adresses ; en peine de me voir jeûner, il a été rôder en bas et prendre ce paquet, arrivé tard, qu’on ne m’apportait point. Je t’embrasse encore, non plus étroitement, mais plus gaiement.


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[À ROLAND, À AMIENS[1].]
Mardi, 18 mai 1784, au soir, — [de Paris].

Je ne sais déjà plus par où j’ai commencé ma journée et comment je dois ordonner mon récit. Ah !… Je me souviens d’avoir été chez le Ct de Vdl. [Vaudreuil] à six heures et demie ; j’ai trouvé le domestique du secrétaire[2] qui m’a dit que son maître dormait encore, qu’il s’était couché fort tard, etc. « Eh mais, vraiment, je suis très fâchée de cela, c’est le déranger terriblement ; allez toujours l’éveiller et lui dire que je suis là ». Mon ton résolu étonna le valet qui n’osa résister ; il fut éveiller son maître, qui se leva, me fit des millions d’excuses que j’abrégeai en lui parlant de ce qui m’intéressait. Il a fort bien saisi l’affaire et la nécessité de faire écrire chaudement M. de Vdl. [Vaudreuil] à tous les ministres ; il m’a promis de lire les mémoires, de pressentir le comte et de le porter à faire ce que je puis souhaiter. Mais je ne tiens rien si je n’appuie pas de quelque chose cette volonté vague ; je sacrifierai encore un exemplaire des Lettres, que je vais expédier avec une jolie épître.

Je me suis rendue à l’audience de M. Tol[ozan] ; il était affairé, mais seul dans son cabinet, et prenant l’air adouci d’un ours qui fait le joli : « Bonjour, Madame, n’avez-vous pas été malade ? Il y a longtemps que je ne vous ai vue. Comment vous portez-vous ? Où en êtes-vous de votre affaire ? Nous avons fait ce que nous avons pu ; M. Bld.

  1. Ms. 6239, fol. 106-108.
  2. M. de Noiseville.