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aujourd’hui chez Mme de Pombreton ; mais nous attendions notre hôte, que je trouve, comme tu le dis, toujours bon enfant. Adieu, méchant qui m’appelle « loup ». Oh ! je me vengerai bien… quand je te tiendrai. À quoi donc as tu pensé de ne pas mener notre ami chez Mme Chev[andier], qu’il a connue jadis à Livourne ? Addio, addio, ti bacio per tutto di tutto cuore.


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[À BOSC, À PARIS[1].]
15 décembre 1784. — [de Villefranche].

J’aime mieux encore que vous nous fassiez l’aveu de ce que vous pensez de mal de nous que d’avoir le seul droit de croire que vous en pensez bien, sans en recevoir l’assurance de votre bouche. Choisissez-nous du moins, mon ami, pour les confidents de vos sentiments et de vos opinions sur tout ce qui nous concerne. Nous pouvons nous reposer assez sur ce que nous sommes, pour supporter tout ce que vous nous croyez être, sans jamais vous l’imputer à crime. Ne déchirez point de lettres que vous m’ayez écrites dans l’abandon de votre cœur ; tout ce qui vient de lui m’est bon et cher, comme il le fut toujours. Votre erreur est l’effet d’une sensibilité qui nous attache encore davantage, et la cause suffirait pour effacer bien des injustices. Je conçois mieux votre état depuis que je me suis entretenue au Clos, avec l’ami Lanthenas, des raisons que vous aviez de vous plaindre du personnage en question ; mais vos idées n’en sont pas moins fausses par rapport à nous. Je gémirai toute ma vie d’un ménagement mal entendu, qui altère les charmes d’une relation que je croyais inaltérable ; mais quoi ! elle triomphera de cet obstacle ; et, s’il faut que le silence d’un moment (quoique dignement motivé de notre part) soit à vos yeux un tort si affreux, vous ne pourrez du moins vous dispenser de le pardonner, de l’oublier pour des amis dont le regret mérite si bien ce sacrifice. Vous

  1. Bosc, IV, 75 ; Dauban, II, 515 ; ms. 6239, fol. 249-250.